Olivier Faure, l’accusé

par Valérie Lecasble |  publié le 06/09/2024

En refusant d’apporter son soutien à Bernard Cazeneuve, le Premier Secrétaire du Parti Socialiste restera pour beaucoup d’électeurs comme le responsable de la nomination d’un homme de droite à Matignon

Premier Secrétaire du PS, Olivier Faure, est de plus en plus en difficulté au sein du parti - Photo Xose Bouzas / Hans Lucas

Dès le lendemain de la nomination de Michel Barnier à Matignon, Olivier Faure se précipite sur France Inter. Il est là pour se justifier : non, ce n’est pas lui le responsable. Non, il n’a jamais dit, et encore moins écrit qu’il censurerait a priori un gouvernement dirigé par Bernard Cazeneuve. Olivier Faure, qui a perdu en un mois trois points dans le baromètre des personnalités d’avenir du Figaro-Magazine, est aux abois : ses prises de position tout au long des consultations d’Emmanuel Macron resteront dans les annales comme l’inexcusable attitude d’un chef de parti qui a joué contre son camp.

Au pied de la lettre, Olivier Faure n’a pas tort : il ne s’est jamais prononcé en faveur d’une motion de censure initiale contre Bernard Cazeneuve. Il a toujours affirmé que son parti jugerait en fonction de la politique qui serait menée. Mais en exigeant l’application intégrale du programme du Nouveau Front Populaire, plus proche de celui de LFI que du PS, en fixant des lignes rouges sur l’abrogation de la réforme des retraites et la hausse du SMIC, et en refusant d’adouber publiquement Bernard Cazeneuve dont la personnalité d’homme d’État avait pourtant créé un véritable désir dans le pays, il a provoqué le veto d’Alexis Kohler, le puissant secrétaire général de l’Élysée soucieux de ne pas détricoter la réforme des retraites et il a in fine permis à Emmanuel Macron d’évacuer l’hypothèse d’un Premier ministre socialiste.

Voici donc Olivier Faure contraint de danser sur les braises d’un feu qu’il a lui-même allumé. Ses motivations sont connues : depuis 2022, il s’est arc-bouté sur une gauche unie, du PS à LFI, la seule, est-il convaincu, capable de gagner les élections. Avec la perspective d’une nouvelle dissolution dans un an et les élections municipales dans deux ans, il ne veut pas prendre le risque de la faire éclater en soutenant Bernard Cazeneuve qui s’est prononcé contre le Nouveau Front Populaire parce qu’il inclut LFI. Son argument choc « ne pas être le supplétif d’Emmanuel Macron » expliquerait la radicalité de sa position.

Le voilà donc la cible de toutes les critiques, coupable de toutes les trahisons. Il aurait dû réagir lors de l’intervention honteuse de Clémentine Autain contre Bernard Cazeneuve et Karim Bouamrane à Blois, devant un parterre socialiste. Certains le soupçonnent même de lui avoir soufflé sa diatribe. Tout comme, affirment d’autres, il aurait évoqué à l’Élysée le nom de Thierry Beaudet pour écarter Bernard Cazeneuve, un rival pour lui trop sérieux.

Vrai ou faux ? On ne sait. En fait, le coup de grâce est venu de la réunion du Bureau National du PS dans la dernière ligne droite, le 3 septembre. Réclamée par son opposant Nicolas Mayer-Rossignol pour tenter d’obtenir un vote majoritaire en faveur de Bernard Cazeneuve, elle a tourné au fiasco avec 38 voix contre et 33 voix pour. Loin d’exprimer un soutien, le texte a réitéré les dix inatteignables conditions nécessaires à sa nomination ! Une gifle que les journalistes ont eu tôt fait d’interpréter comme l’annonce d’une motion de censure.

Exit Cazeneuve, donc. Voici Olivier Faure confronté au désastreux résultat : un Premier ministre de droite contre lequel le Nouveau Front Populaire a dit qu’il déposerait immédiatement une motion de censure. Ce qui pousse mécaniquement le gouvernement de Michel Barnier vers le Rassemblement National, puisqu’un cumul des voix entre le NFP et le RN le ferait tomber.

Cette issue déstabilise Olivier Faure et le contraint à rendre des comptes, tant il a été pendant cinquante jours l’acteur et le facilitateur d’une France qui se retrouve avec un Premier ministre à la merci du RN et un Premier secrétaire du PS dans les mains de LFI. Autant dire, une calamité !         

Valérie Lecasble

Editorialiste politique