Opération Rachida

par Valérie Lecasble |  publié le 05/04/2024

Les sondages qui prédisent la victoire de Rachida Dati à Paris, visent surtout à l’installer comme une « candidate naturelle » 

La ministre française de la Culture Rachida Dati à Nontron, dans le centre de la France, le 22 janvier 2024 - Photo Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Elles n’auront lieu qu’en mars 2026, mais la campagne des élections municipales à Paris est lancée. Deux sondages, IPSOS pour La Tribune Dimanche » puis IFOP pour Le Figaro, à la « une » des deux journaux , le 24 mars puis le 3 avril, nous prédisent que Rachida Dati sera la prochaine maire de Paris. « Rachida Dati en force », avec un score de 38 % contre 14 % pour Anne Hidalgo, titre le premier ; « Rachida Dati en position de force face à Anne Hidalgo », avec 36 % contre 18 %, renchérit le second.

La ministre de la Culture serait enfin celle qui détrônerait Anne Hidalgo, vilipendée pour avoir dégradé la capitale devenue pendant ses dix années de règne plus sale, plus dangereuse, plus encombrée. « Cela consacre le décalage d’image entre les deux personnalités, celle de Rachida Dati positive chez les Parisiens et celle d’Anne Hidalgo abîmée », commente Jean-Daniel Lévy, directeur d’Harris Interactive.

Est-ce si évident ? À deux ans de l’élection, en politique, tout peut changer. Les deux sondages partent d’une hypothèse imaginaire : dès le premier tour, une alliance entre Renaissance-Modem-Horizons-Les Républicains. Un parti pris plus que discutable : personne, à commencer par Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse, n’a confirmé que Rachida Dati serait la candidate de Renaissance.

Clément Beaune s’est publiquement opposé à sa personnalité clivante et Gabriel Attal peut lui-même être tenté. Le Modem est prudent, mais n’a jamais caché ses réticences vis-à-vis de la méthode Dati à Paris. Horizons et Les Républicains ont tous les deux leur candidat : Pierre-Yves Bournazel a les faveurs d’Édouard Philippe pour Horizons, Francis Szpiner celles d’Éric Ciotti pour Les Républicains.

Bref, la construction est bancale. Les autres hypothèses continuent de placer Rachida Dati en tête, mais elles restent fragiles, car dans les deux sondages, le parti pris pour évaluer le camp d’Anne Hidalgo est à contrario de séparer les deux listes qui la soutiennent, celle du PS-PCF d’un côté et celle des écologistes de l’autre. Pourquoi exclure la possibilité d’une alliance entre elles dès le premier tour ?

Car si on se reporte aux élections municipales de 2020 à Paris, le rapport de forces entre les deux camps PS-PCF-EELV (40,1 %) et LREM-LR (39,9 %) a peu évolué. Il est aujourd’hui de 35 % pour la gauche et 37 % en faveur d’une éventuelle alliance majorité présidentielle-LR. Et on ne sait pas pour qui voteront les 7 % qui avaient en 2020 choisi Cédric Villani.

Ces deux sondages installent Rachida Dati comme la « candidate naturelle » d’un rapprochement présumé entre la majorité présidentielle et LR. C’est le terme employé par Sylvain Maillard président du groupe Renaissance à l’Assemblée. Une façon d’éviter les primaires que son parti préconise afin de choisir le ou la candidat (e) pour Paris. Opération Dati rondement menée, et le tour est joué..

Valérie Lecasble

Editorialiste politique