Otages : le fils de l’absent
Le 22 mai 1985, Jean-Paul Kauffmann et Michel Seurat disparaissent après leur atterrissage à Beyrouth. Commence alors l’affaire des otages du Liban. Aujourd’hui, son fils alors âgé de douze ans raconte
C’était il y a près de quarante ans. Jean-Paul Kauffmann, journaliste de renom, grand-reporter à L’Évènement du Jeudi part en reportage au Liban le 22 mai 1985. Il s’est posé avec le chercheur Michel Seurat à l’aéroport de Beyrouth. Il n’arrivera jamais jusqu’à son hôtel. Avec deux jours de retard sur la presse, sa femme, Joëlle Brunerie-Kauffmann et ses deux jeunes fils apprennent qu’il a été enlevé.
C’est Grégoire Kauffmann, l’aîné des deux garçons, 12 ans au moment des faits, qui raconte aujourd’hui dans L’Enlèvement. Devenu historien, il remonte le fil d’une histoire qui est la sienne en même temps qu’elle est la nôtre en écho au contexte actuel : conflit au Proche-Orient, vague de terrorisme sur le sol français, otages. Par-delà l’histoire de son père, du récit de l’énergie déployée par sa mère et par le comité de soutien, Grégoire Kauffmann nous replonge avec précision dans la chronique des trois années durant lesquelles son père a été détenu.
C’était un temps où la prise d’otages engendrait une réprobation générale bruyante – loin du silence dramatique sur les otages civils actuels. La libération des quatre personnalités retenues par le Hezbollah, Jean-Paul Kauffmann, Marcel Seurat et deux diplomates, Marcel Carton et Marcel Fontaine devient une cause nationale. À chaque journal du soir, France 2, dès le 29 mars 1986, rappelle le nom des otages et le nombre de jours de leur détention.
Grégoire Kauffmann réussit l’exploit d’écrire à hauteur de l’enfant qu’il a été, avec autant d’émotion que de pudeur, tout en parvenant à se faire l’historien de ces années sombres.
Espoirs, désillusions, négociations, messages dictés par les ravisseurs, le livre nous fait vivre au quotidien un temps de terreur qui met en relief, avec la distance, les permanences du conflit au Proche-Orient alors dominé par le Hezbollah et l’Iran ainsi que les singularités de la guerre déclenchée le 7 octobre par le Hamas de Gaza.
Jean-Paul Kauffmann est revenu vivant le 4 mai 1988, mais transformé par sa détention. Michel Seurat est mort au Liban en 1985. Pendant trente ans, une confrérie du 4 mai s’est réunie chaque année. Invariablement, en fin de soirée, on chantait à la fois l’Internationale et Gloria in excelsis Deo.
L’Enlèvement. Grégoire Kauffmann. Éditions Flammarion
Paru le 13 septembre 2023
