Otages : les fanatiques israéliens prêts à les sacrifier
A Kyriat Arba, colonie proche d’Hébron, les colons ultrareligieux n’ont qu’une obsession : anéantir Gaza. Quel qu’en soit le prix…
Hébron n’est pas une ville, c’est une fabrique de fous. La schizophrénie, la paranoïa, le délire mystique et le passage à l’acte violent y sont chose commune. Ce qui frappe en visitant cet asile de deux cent mille habitants, essentiellement palestiniens, est surtout le vieux quartier, un imbroglio de commerces et d’appartements, en deux étages séparés. Au rez-de-chaussée, des commerces traditionnels palestiniens ; au premier étage, des colons juifs et des yeshivas, écoles religieuses.
Un filet métallique grillagé est tendu entre les deux pour recueillir les objets de toutes sortes jetés du premier étage sur les habitants d’en bas, bouteilles, pierres ou couches-culottes usagées. Et un commerçant de meubles, qui dort dans une chambre attenante à son magasin, se souvient d’avoir été réveillé par un bruit insolite provenant de son magasin. À force d’examiner le local vide, il a découvert que son voisin juif d’au-dessus creusait son plafond. Objectif, atteindre le rez-de-chaussée et s’y installer en déclarant le local « Terre d’Israël ».
Cette guerre, au mètre près, a commencé en 1968 quand le Rabbin Moshe Levinger, grand inspirateur du mouvement Goush Emounim pour la colonisation, a loué une chambre dans un hôtel arabe avant de décider qu’il n’en bougerait plus. Incident, police, négociation, finalement, le rabbin et ses ouailles se sont installés sur une colline au nord-est de la ville. Kyriat Arba, implantation provisoire devenue définitive, compte aujourd’hui près de dix mille habitants sous la protection des militaires, mais eux-mêmes armés jusqu’aux dents, et un programme de 4000 logements supplémentaires a été lancé en juin dernier.
À Hébron, tout, absolument tout, est sujet à guérilla. D’abord, bien sûr, le Tombeau des Patriarches pour les uns, Mosquée d’Ibrahim pour les autres. Pour les Juifs, le bâtiment a été construit il y a 2000 ans par le roi Hérode 1er le Grand au-dessus de la tombe d’Abraham.Pour son malheur, cette ville est considérée comme sainte par les trois religions.
Alors on se bat dans Hébron, à coups de poings, de pierre, de couteau, d’armes à feu. Le moindre incident de la vie dégénère en affrontement avec intervention de l’armée. Il n’est pas rare de voir les colons armés dégainer leurs armes automatiques, leurs adolescents arracher le voile d’une Palestinienne avant de la piétiner, ou les femmes se battre entre elles. Et le sang coule aux cris d’Eretz Israël ou d’Allah Akbar. Et quand les fous quittent l’asile, ils n’hésitent pas attaquer d’autres villages palestiniens ou d’autres colonies israéliennes.
Côté Israélien, le dieu profane de Kyriat Arba s’appelle Itamar Ben Gvir , ministre de la Sécurité nationale, un ultra extrémiste de droite dirigeant la Force juive , poursuivi à plusieurs reprises pour émeute, discours incendiaires, et obstruction au travail de la police. Et on adule Bezalel Smotrich, suprémaciste juif dirigeant du Mafdal, parti sioniste religieux, ministre des Finances, chargé de la gestion des territoires occupés. Ici, l’obsession est de reprendre toute la terre du Grand Israél, la paix n’est qu’une lâcheté, les négociateurs des traîtres à Dieu et on vénère l’assassin de Rabbin dont on demande chaque année, avec toute l’extrême-droite, la libération.
Côté palestinien, Hébron est d’ailleurs productrice de plusieurs kamikazes et chefs terroristes fanatisés et de dizaines d’attentats terroristes en Cisjordanie ou à Jérusalem, où des jeunes militants palestiniens attaquent des soldats, des colons ou des civils innocents à l’arme blanche, avant de se faire inévitablement abattre, ajoutant toujours plus de noms à la liste de “martyrs” qu’il faudra enterrer. Et venger.
À l’heure où toute la société israélienne manifeste et s’angoisse sur le sort des otages enlevés à Gaza, les colons de Kyriat Arba restent enfermés dans un autre monde. Un reportage de France Inter, qui a recueilli leur parole, les montre, acharnés à un seul but : anéantir Gaza. Quel que soit le prix à payer. Oui, il y a 240 otages à Gaza. Mais non, le problème n’est pas de sauver leurs vies: “Une trêve ? Pour permettre au Hamas de se réarmer et se réorganiser ? Non, pas question ! Faut les poursuivre, les éradiquer. Pas de cessez-le-feu” dit tranquillement un commerçant. Un autre se veut encore plus clair. Les otages ? “Alors, oui, on y renonce. C’est douloureux pour eux, mais la priorité est d’écraser Gaza.
Jusqu’à sacrifier les siens ? Oui. Deux habitants de Kyriat Arba sont détenus à Gaza. Dont le fils d’un élu local. L’homme s’est dit prêt à ne pas voir revenir son enfant si l’objectif est atteint : anéantir Gaza.
Non, Hébron n’est pas un asile comme les autres. Dans cet hôpital psychiatrique, il est situé dans l’Unité des malades les plus difficiles, ceux qu’on appelle vulgairement les fous dangereux.