Otto John passe à l’Est… puis revient à l’Ouest
1954. Le chef du contre-espionnage ouest-allemand passe en RDA. Après l’avoir utilisé, le KGB…le renvoie
Otto John, est un authentique résistant allemand au régime nazi. Cet avocat a fait partie de l’Orchestre noir, un réseau d’obédience libérale et conservatrice qui a tenté d’assassiner Hitler le 20 juillet 1944. Conseiller juridique de la compagnie aérienne Lufthansa, John peut voyager au Portugal en Espagne vers les pays non-belligérants. Et il devient l’agent de liaison de son réseau avec les services alliés. Après l’échec de l’attentat contre le führer, il file à Madrid. Là, il est pris en main par les Britanniques du MI6. Il travaillera pour eux jusqu’en 1949.
Malgré de nombreuses réticences, dont celle du chancelier Konrad Adenauer, il est nommé, grâce à son passé antinazi, président du Verfassungsschutz (BfV), les services de protection de la Constitution, chargés de pourchasser les extrémistes de gauche et de droite. L’organisme est créé dès 1950. À peine nommé, Otto John est l’objet d’attaques diverses. Il serait toujours un agent du MI6. La CIA se méfie de lui. Il étend les compétences de son service au contre-espionnage ce qui lui vaut de nouvelles inimitiés.
En 1954, c’est un homme isolé. La présence d’anciens nazis dans l’administration fédérale le hante. Il boit. Il déprime. Mais les Soviétiques ont repéré ce maillon faible. Ils le font « tamponner » par un de leur agent à Berlin, un gynécologue très mondain, le docteur Wolfgang Wholgemuth surnommé « Wo-Wo ». Le KGB, qui vient d’être créé, propose une rencontre avec Otto John sous prétexte d’échanger des idées sur le trop-plein d’anciens nazis dans les structures gouvernementales de l’Ouest. John est d’accord, il ne restera que quelques heures à L’Est…
Le chef du contre-espionnage allemand est à Berlin de 20 juillet pour le 10ème anniversaire de l’attentat contre Hitler. Son ami « Wo-wo » le conduit à l’Est en voiture. Là, Otto John est interrogé par le KGB. Pas question de le retourner. Leur but est la propagande, plus que le renseignement. Le 11 août, le transfuge tient une conférence de presse à Berlin-Est où il explique que s’il a quitté la RFA c’est à cause du retour en force des nazis.
À l’Ouest, on s’affole. D’autant qu’un dirigeant de la CDU, recruté par La Stasi, vient lui aussi de faire défection. Interrogé dans les environs de Moscou, Otto John révèle les noms d’anciens nazis qui occupent de hautes fonctions en RFA. Mais les Soviétiques découvrent vite qu’Otto John sait peu de choses sur les dossiers opérationnels du BfV. C’est un administrateur. Le KGB fait filtrer à l’Ouest de fausses informations selon lesquelles l’ancien président du BfV aurait révélé les clauses secrètes de l’accord de sécurité militaire de l’Allemagne fédérale.
Ce transfuge ne leur sert plus à grand-chose. Le 12 décembre 1955, Otto John rentre à l’Ouest avec l’accord de tout le monde, convoyé par un ami du temps la Résistance. Il sera condamné à quatre ans de prison. Sans que soit levée une ambiguïté de taille comme l’explique Rémi Kauffer, historien du renseignement, dans « Les grandes affaires des services secrets » (Perrin 2021).
Otto John était-il un idéaliste naïf ou un falsificateur maladroit. En tout cas, il a ridiculisé les services de renseignement allemands.