Où va l’extrême-droite israélienne ?
Officiellement, le gouvernement Netanyahou défend son pays à la suite d’une attaque barbare. Mais l’ampleur fait naître un soupçon nettement plus gênant. Même Le Figaro s’en inquiète…
La décision de la Cour suprême israélienne, qui vient d’infliger un camouflet à la droite israélienne en retoquant l’une des dispositions phares de son projet de réforme constitutionnelle, nous rappelle deux réalités politiques qu’on a tendance à oublier dans le feu de la guerre. La première rassure un peu : Israël reste une démocratie, où l’état de droit continue de prévaloir, et vient même de se renforcer en maintenant la latitude donnée aux juges suprêmes d’invalider certaines décisions de l’exécutif.
Mais la seconde est beaucoup moins positive : cette démocratie est bien gouvernée par l’extrême-droite. C’est elle, en effet, qui a lancé ce projet de renforcement de l’exécutif qui affaiblissait le contrôle légal sur le gouvernement et rapprochait le régime israélien de « l’illibéralisme » en vogue parmi les leaders populistes de la planète. C’est encore elle qui vient de lancer, à titre de ballon d’essai, par la voix de deux ministres extrémistes, l’hypothèse d’un déplacement massif de la population de Gaza, qui ne serait rien d’autre, si elle était mise en œuvre, qu’un nettoyage ethnique à grande échelle.
C’est encore elle, même si l’équipe dirigeant la guerre comprend aussi des leaders de l’opposition, qui donne le la dans la définition des objectifs stratégiques de l’armée israélienne. Officiellement, il s’agit d’un acte de défense destiné à éradiquer la puissance militaire du Hamas. Mais l’ampleur des pertes infligées à la population civile de Gaza et l’étendue des destructions matérielles dans l’enclave font naître un fort soupçon.
C’est Renaud Girard, dans Le Figaro, journal plutôt pro-israélien, qui pose la question que nous avions déjà abordée dans cette lettre : « l’armée israélienne ne pousse-t-elle pas trop loin sa tactique du transfert de risques (un minimum de risques pour ses soldats, un maximum de risques pour les civils palestiniens, même si elle ne les prend jamais pour cible intentionnellement) ? N’est-elle pas gênée par l’ampleur des dégâts collatéraux qu’elle commet dans sa traque des terroristes du Hamas ? Est-il légitime de détruire cent maisons simplement parce qu’on court après un combattant du Hamas, qu’on a, au demeurant, peu de chances d’attraper ? (…) On est en droit de se demander si le gouvernement Netanyahou n’a pas, consciemment ou inconsciemment, donné libre cours à son désir de vengeance ».
Si tel était le cas, le gouvernement d’Israël irait bien au-delà des justifications qu’il avance auprès de ses soutiens. La violence de la réplique sur Gaza lui aliène déjà une grande partie de l’opinion mondiale. Quelle sera sa réputation au terme d’une « guerre de vengeance » implacablement poursuivie pendant plusieurs mois ? D’autant plus que la guerre, il faut le craindre, risque fort de renforcer la popularité du Hamas dans l’opinion musulmane mondiale… Et qui soutiendra ce gouvernement – hors d’Israël où la population fait bloc – s’il s’avère que l’opération en cours sert de base à un projet d’extension territoriale à Gaza et en Cisjordanie ? Renaud Girard parle d’une « stratégie suicidaire ». L’avertissement mérite d’être entendu.