Palestine : l’Amérique en chute libre

publié le 06/01/2024

Les Palestiniens ne croient plus aux États-Unis qui perdent pied au Moyen-Orient. La faute aux Américains eux-mêmes quand ils multiplient hésitations et échecs, alors que la Chine, la Russie et les Pays du Golfe font feu de tout bois…

Une personne tenant un drapeau palestinien participe au 121ème Polar Bear Plunge annuel à Coney Island à à New York, au Nouvel An 2024 en présence de 4 000 nageurs et de 20 000 spectateurs - Photo Adam Gray / GETTY IMAGES NORTH AMERICA

Les résultats du sondage d’octobre, le huitième du genre réalisé auprès de la population palestinienne par « The Arab Barometer », sont éloquents. Si la rue palestinienne est constante dans son souhait d’entretenir des liens de coopération avec les USA, elle ne les tient plus pour un acteur majeur dans le cadre du règlement du dossier israélo-palestinien.

L’enquête est corroborée par celle du site saoudien Arab news publiée en mai à l’occasion du 75e anniversaire de la Nakba de 1948 : seuls 23 % des interrogés y placent les USA au premier rang des acteurs d’une médiation efficace, la majorité des sondés (59 %) les situant au cinquième, derrière la Chine, premier partenaire commercial des pays du golfe depuis 2020 et parrain de la normalisation des relations Iran-Arabie saoudite en 2023, la Russie (signataire d’un accord de coopération militaire avec l’Arabie saoudite en 2021), l’Égypte ou le Qatar…

Simple effet de l’association réflexe de l’Amérique à Israël par le « sud global » ?

Non. Le peuple palestinien n’a oublié ni Camp David 1978, ni Oslo 1993, ni Taba 1995, ni Camp David 2000 : dans tous ces cas, productifs ou non, les USA étaient prescripteurs et, quelle que soit la détestation de la population palestinienne pour le Satan américain, elle a toujours vu en l’action de Washington — et de son « vassal onusien »-  la clé de résolution de ses difficultés.

Les Palestiniens savent aussi que la région est loin d’afficher la cohérence arabe sur laquelle devraient se fonder les négociations à venir, témoin l’attentat meurtrier, 84 morts, perpétré par les djihadistes de l’EI à Kerman en Iran. Mais voilà : Washington a tout fait et fait tout pour nuire à son aura…

Intervention en Irak de 2003, trois ans après l’échec de Camp David, frilosité d’Obama sur le dossier syrien et inconséquente opération libyenne de 2011, soutien sans réserve à la mise au pas du printemps égyptien de 2013 qui encourage a posteriori la réserve du Caire sur le dossier palestinien, piteux retrait afghan 2021, oppositions au sein du camp démocrate en matière d’action internationale, unilatéralisme trumpien, échec de la diplomatie américaine à faire pièce aux menées coloniales des faucons israéliens ou au harcèlement houthi : tout a concouru et concourt au sape d’une aura Américaine.

Cette mauvaise image de l’Amérique est ternie encore un peu plus par le lustre des initiatives de la Chine, de la Russie, de la Turquie, mais surtout du Qatar, de l’Arabie saoudite ou des Émirats arabes unis. Tous semblent non seulement en mesure de peser sur l’avenir du conflit, mais encore de faire feu de tout bois diplomatique sur d’autres fronts : aux Émirats, Abou Dabi n’est-il pas depuis 2022 à la manœuvre, s’agissant du dossier des échanges de prisonniers ukrainiens ? En Arabie Saoudite, Riad n’est-il pas au travail depuis l’été 2023 sur un plan de paix pour l’Ukraine en lien avec Zelensky ? Au Qatar, Doha ne contribue-t-il au pas au retour en Ukraine d’enfants déportés ?

Tout atteste, en somme, que la multipolarisation géopolitique donne aujourd’hui à la rue palestinienne des raisons d’allier, envers Washington, le dédain à l’inimitié.