Palme d’or à Cannes: Justine Triet transforme le podium en estrade
Eclat en plein festival pour la remise de la Palme d’or, interpellation de la ministre aux Molières du théâtre, jets de peinture sur les œuvres d’art, et quelques autres du même acabit…peut-on utiliser tous les événements médiatiques pour faire entendre ses revendications?
On ne pouvait rêver mieux pour le cinéma français : une femme, comme l’année dernière, réalisatrice de talent, recevant la plus grande récompense de l’univers cinématographique, très méritée, en présence de tout le gotha du cinéma mondial.
Quelle mouche l’a donc piquée de mêler un problème interne – les retraites à cet événement international ?
À part ravir Jean Luc Melenchon, on ne pas voit comment approuver ce discours. » On ne parle pas de problèmes internes sur la scène internationale », disait Mitterrand.
À juste titre, Rima Abdul-Malak, la ministre de la Culture a rétorqué vertement, sur ce point, en se disant » « estomaquée » par le discours « injuste » .
Il faut donc que la mésentente entre le monde de la culture et le pouvoir soit bien grande pour que cette réalisatrice talentueuse se lance dans une telle philippique ? Il est sûr que la confiance n’est pas rétablie et qu’il y’a de nombreux motifs de réflexion et d’inquiétude que j’avais déjà énumérés dans un précédent article.
On aurait beaucoup à dire sur la politique culturelle menée dans ce pays. Quelle place la culture occupe-t-elle dans la société, et surtout, quelle vision globale ? Comment réagir aux poussées identitaires du rassemblement national et d’une partie de la droite, dont Laurent Wauquiez est l’exemple le plus caricatural ? Comment s’adapter à la consommation culturelle sur les tout petits écrans, nécessairement individuelle, et plus généralement à la numérisation de la société ?
Comment en Europe lutter contre la standardisation, forcément promue par les Gafa ? Comment conserver aux créateurs des moyens et la précieuse liberté d’expression sans laquelle la culture ne peut pas exister ? Comment assurer aux plus jeunes l’éducation et l’accès à la culture auquel ils ont droit ?
Voilà les vraies questions auxquelles nous sommes confrontés, et auxquelles la gauche se doit de répondre pour proposer un programme qui prenne en compte l’évolution de notre société et ne pas rester dans une vision comptable de la culture.
Oui, l’intervention de Justine Triet, succédant à l’interpellation de la ministre aux Molières du théâtre, aux jets de peinture sur les œuvres d’art, et quelques autres du même acabit, pose la question de fond des liens de l’action et du sujet: peut-on utiliser tous les événements médiatiques pour faire entendre ses revendications, qu’elles soient nationales, corporatistes ou climatiques ?
Événement culturel, sportif, commémorations ou autres sujets, faut-il se saisir de toutes les opportunités pour délivrer un message qui a peu de choses à voir avec la manifestation choisie ? On risque de desservir la cause que l’on défend, n’en déplaise à Justine Triet, qui a manqué de discernement. Parler des retraites dans ce contexte n’avait pas beaucoup de sens, et l’exception culturelle mérite un autre débat surtout s’agissant du cinéma, tellement soutenu par les pouvoirs publics, et ceci depuis les accords Blum-Byrnes de 1947, quelle que soit la couleur politique du gouvernement en place.
Reste l’expression d’un mécontentement, et d’une absence de dialogue qui explose ici et là, et que l’on se doit d’entendre.