SVB: Wall Street perd encore la boule

publié le 13/03/2023

Folie financière, acte III ? Plusieurs banques en faillite aux États-Unis, chute des bourses, panique des déposants, agitation frénétique des autorités monétaires, déclarations rassurantes des gouvernements …

après le krach de 1986 ou celui de 2008, le film bien connu des crises financières mondiales semble se reproduire, dans un remake inquiétant.

un froissement de billet à une extrémité de la terre, telle celui d’une aile de papillon en météorologie, peut engendrer un ouragan aux antipodes.

. Pour l’instant, les pompiers de l’argent-roi semblent décidés à éteindre le feu à son début. Mais prudence : dans cet univers connecté en temps réel, un froissement de billet à une extrémité de la terre, telle celui d’une aile de papillon en météorologie, peut engendrer un ouragan aux antipodes.

        

   Comme d’habitude, c’est un incident d’apparence mineure qui réveille l’angoisse du krach général.

La Silicon Valley Bank, qui finance une bonne partie des boîtes de technologie en Californie, avait placé l’argent de ses déposants en obligations du Trésor. Précaution sage en principe : ces titres fondés sur le crédit de l’État américain sont considérés comme parmi les plus sûrs.

Problème : soucieuse de lutter contre l’inflation qui flambe depuis un an, la banque centrale US, la Federal Reserve (la Fed pour les intimes), a relevé fièrement ses taux d’intérêt (à plus de 4%), contre moins de 1% auparavant. Mécaniquement, cette hausse a provoqué la baisse des titres sur le marché obligataire, créant chez SVB – et bien d’autres banques – une perte latente conséquente.

Tels les moutons de Panurge, les déposants ont exigé en masse le retrait de leurs picaillons…

Il a suffi de quelques mails inquiets échangés par de gros déposants pour déclencher un début de « bank run » (panique bancaire). Tels les moutons de Panurge, les déposants ont exigé en masse le retrait de leurs picaillons, plongeant la banque dans la tourmente.

Les autorités américaines ont aussitôt fermé ladite banque et promis, dans la foulée, de se substituer à SVB pour rembourser ses clients. Les banques se prêtent en permanence de l’argent entre elles : une vague de défiance s’est abattue sur le système bancaire américain. Les actions ont chuté à Wall Street, entraînant la déconfiture de toute la cote dans les autres pays.

Après coup, les spécialistes sont intarissables sur les raisons de ce coup de tabac : l’inondation de liquidités organisée par les banques centrales pour éviter une récession post-Covid, qui rend le système vulnérable à la hausse des taux, le caractère hautement spéculatif des valeurs technologiques, l’atmosphère d’angoisse créée par la guerre d’Ukraine, etc.

L’Europe est plus rigoureuse que les États-Unis en matière de prudence bancaire

Mais comme d’habitude, les insuffisances de la réglementation publique, entravée par les dogmes du laissez-faire, jouent un rôle décisif. Certes les régulateurs bancaires ont nettement resserré les contraintes de liquidité qui pèsent sur les « banques systémiques » (telle feue Lehman Brothers, dont la faillite acceptée par les autorités américaines au nom de la discipline libérale avant provoqué le cataclysme de 2008), certes l’Europe est plus rigoureuse que les États-Unis en matière de prudence bancaire. Mais ce principe de précaution n’a pas été étendu aux banques régionales américaines, qui ont continué à prendre des risques considérables.

« Greed is good » , « l’avidité est bonne »

La Silicon Valley Bank est passée, comme bien d’autres établissements de moindre calibre, à travers les mailles du filet, dans l’atmosphère euphorique créée par la gratuité du crédit, jusqu’à sa chute finale. Il s’agit maintenant de limiter les dégâts, en espérant que les banques « systémiques » (dont les grands établissements français comme la BNP ou LCL) n’ont pas trop cédé vertige spéculatif.

« Greed is good » (« l’avidité est bonne »), disait Gordon Gekko, le financier véreux joué par Michaël Douglas dans le film Wall Street. Un aphorisme qui n’a jamais cessé s’exercer ses ravages…