Pap Ndiaye : histoire d’une exécution

par LeJournal |  publié le 23/07/2023

Le ministre de l’Éducation manquait d’expérience politique, certes. Mais est-ce la vraie raison de son éjection brutale ?

Pap Ndiaye -Photo JOEL SAGET / AFP

Une éviction ? Un simple remplacement dans une fonction à haut risque, celle de ministre de l’Éducation nationale ? Non : une exécution politique. Tel est le sort injuste subi par Pap Ndiaye, ministre congédié brutalement après un an dans sa fonction.

On comprend très bien que la Première ministre, ou le président Macron, soient libres de travailler avec qui bon leur semble, de remodeler l’équipe gouvernementale en raison des circonstances de l’heure. Mais comment ne pas rapprocher le congédiement de Pap Ndiaye de l’incroyable campagne de dénigrement lancée contre lui par la droite et l’extrême-droite dès sa nomination rue de Grenelle ?

Comment ne pas rappeler le pleutre silence de la plupart des ministres quand il a subi les attaques les plus basses pour avoir seulement remarqué que les médias contrôlés par Vincent Bolloré avaient une curieuse tendance à relayer les thèses de l’extrême-droite ? Et comment ne pas se demander si c’est bien son action au ministère qui a suscité la critique, et non sa qualité d’universitaire noir spécialiste de la « question noire » en France et aux États-Unis ?

Il est sûr, en tout cas, que Pap Ndiaye a subi des assauts violents avant même d’avoir pris la moindre décision en matière d’éducation. « Wokiste » : la sentence est tombée à la première seconde et cette étiquette, pour le moins caricaturale quand on connaît son itinéraire, l’a poursuivi un premier au dernier jour de sa présence au gouvernement.

Pap Ndiaye a travaillé aux États-Unis, il a étudié le fonctionnement des discriminations raciales ici et là-bas, il a écrit un livre, La Condition noire : essai sur une minorité française, et s’est inspiré de certaines thèses mises en avant dans le cadre des « Black Studies » Américaines. Il a aussi participé aux travaux du CRAN, le Conseil représentatif des associations noires.

Wokiste, décolonial, communautariste, donc ? Rien n’est moins sûr. À la question centrale pour les militants woke – « Y a-t-il un racisme d’État en France ? – il répond dans une interview accordée au Monde en décembre 2017, bien avant sa nomination : la notion de « racisme d’État » n’est pas pertinente concernant la France. « Il existe bien un racisme structurel en France, par lequel des institutions comme la police peuvent avoir des pratiques racistes. Il y a du racisme dans l’État, il n’y a pas de racisme d’État ».

Forte nuance donc, de celles dont les semeurs de calomnies ne s’embarrassent pas. Au demeurant, le seul engagement partisan de Pap Ndiaye l’avait conduit à rejoindre le petit groupe « Convergences » animé par Jean-Christophe Cambadélis, dont le wokisme n’est certes pas la caractéristique première, et à adhérer au Parti socialiste, parti républicain et laïque depuis toujours.

Au ministère, il a défendu avec clarté le principe de laïcité, prôné l’instruction civique et n’a cessé de faire référence appuyée aux valeurs républicaines. Rien n’y a fait : son origine en partie africaine et sa fréquentation de la vie intellectuelle américaine l’avaient condamné d’avance. Son inexpérience politique et son manque de réflexe médiatique ont fait le reste, bien plus que son action au ministère, plutôt bénéfique.

Acharnées à sa perte, voyant là l’occasion d’une campagne politiquement rentable, la droite et l’extrême-droite ont senti le maillon faible.

Cédant à la pression, les excellences macroniennes leur ont permis de marquer le point.

En sacrifiant froidement un homme intelligent, honnête et courageux…

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