Pape et homosexualité : un effet d’annonce?

par Marcelle Padovani |  publié le 23/12/2023

La bénédiction des couples gays n’est pas une révolution. Cela se fait déjà. Selon une théologienne, Lucetta Schiaffara, François se ferait de la publicité a bon compte

La manifestation "Abellinum Pride", protestant pour les droits des homosexuels, à Atripalda le 16 juin 2019. L'événement a été organisé par l'association Apple Pie, sur la place "Umberto I", pour ensuite parcourir le centre historique d'Atripalda -Photo MANUEL DORATI / Controluce

Le souverain Pontife a donc avisé par une déclaration le 18 décembre que les couples homosexuels pouvaient désormais faire bénir leur union à l’église par leur curé préféré. Cette annonce a d’abord été considérée comme une révolution. Bon nombre de médias ont cru pouvoir affirmer que le mariage gay était enfin devenu licite pour la hiérarchie catholique. Suivirent des photos de couples radieux se tenant par la main. Puis ,même les plus enthousiastes se sont frotté les yeux. Non, rien n’était changé. Aucun mariage entre homos ne devient tout à coup licite. Simplement, ces citoyens pouvaient désormais, sur leur requête, être bénis.

Avec une petite difficulté cependant, la pratique est déjà en cours dans les églises du monde entier. Aucun permis n’a jamais été nécessaire pour recevoir en tant qu’individu la bénédiction d’un curé. « Et voilà pour le premier point ! », s’exclame Lucetta Scaraffia, 75 ans, professeur, théologienne et journaliste, auteur de nombreux livres (1) sur la foi. Elle rappelle qu’il y a quelques semaines François avait annoncé une autre fausse nouvelle, la possibilité pour les filles-mères de recevoir la communion. Or, « elles n’en ont jamais été privées » souligne Scaraffia. Quelle peut donc être la motivation profonde des différentes « approximations » du Pontife ?

La théologienne, explique, tranchante : « François cherche la faveur médiatique à coup d’annonces faciles, démagogiques et populistes. Non suivies de la moindre réforme ». On se trouverait donc confronté sur les quelque 50 hectares de la Cité du Vatican, à une vague de facilité sans lendemain, d’un « faux innovateur doublé d’un faux réformateur » qui « court derrière la notoriété ».

 Le plus gros « défaut » du Souverain Pontife, Lucetta Scaraffia soutient l’avoir personnellement expérimenté. Journaliste, elle a en effet dirigé de 2012 à 2019, la publication d’un supplément au quotidien du Saint-Siège, « L’Osservatore romano », dédié aux problèmes des femmes dans l’Église. Elle avait découvert de graves abus sexuels de prêtres sur des religieuses. Spécialement le cas d’une sœur africaine, contrainte d’avorter suite à son viol perpétré par le prêtre dont elle dépendait.

Lucetta a voulu dénoncer l’affaire. Mais, c’est elle qui a été contrainte au bout du compte de donner sa démission. Elle raconte l’histoire, sans aucune émotion aujourd’hui. Mais avec le ton précis et détaché d’une scientifique qui tente de trouver des explications à des situations qui lui échappent et la révoltent.

Ailleurs dans le monde catholique, si la déclaration du Pape François a été saluée en Europe, à l étranger et en Afrique notamment, d’autres évêques et responsables religieux conservateurs ont protesté bruyamment et refusé à leurs prêtres la possibilité de mettre en œuvre les bénédictions voulues par le Vatican. Alors, petite révolution ou mesure sans lendemain?

(1). Son dernier livre: Se réformer ou mourir, aux Éditions Salvator, vient de sortir en France.

Marcelle Padovani

Correspondante à Rome