Paris-Alger : comment Macron reprend la main
Quatre jours après la condamnation de l’écrivain Boualem Sansal à cinq ans d’emprisonnement par un tribunal d’Alger, Emmanuel Macron vient de « réinitialiser » la relation franco-algérienne sur une nouvelle base.

L’entretien téléphonique qui s’est déroulé lundi avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune est la première tentative de faire baisser la pression entre les deux pays depuis la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
Les deux présidents ont pris langue le jour de l’Aïd el-Fitr, qui marque la fin du ramadan. Preuve qu’un vœu a bien été formulé dans cette reprise du dialogue. Macron a plaidé pour un geste de clémence envers Boualem Sansal emprisonné depuis novembre.
On retiendra que le dialogue s’est noué en dépit du maintien en détention de l’écrivain franco-algérien, ce qui indique que la France n’a pas demandé son élargissement comme un prérequis à ce premier échange. Cette forme de « clairvoyance », n’en doutons pas, a été appréciée du côté algérien.
Après des mois de crispation sur le dossier du Sahara, les arrestations d’influenceurs algériens, le blocage du transfert de ressortissants algériens frappés par les OQTF, notamment après l’attentat meurtrier de Mulhouse en février et l’incarcération de Sansal, l’Élysée reprend la main. Il était temps, la crise franco-algérienne prenait chaque jour plus d’importance dans le débat politique français, à droite notamment. Elle pouvait empoisonner la future campagne présidentielle.
L’échange téléphonique de lundi enclenche déjà une série de déplacements. Le premier à faire le voyage à Alger est le ministre des affaires étrangères Jean-Noël Barrot, qui a rendez-vous samedi 6 avril avec son homologue Ahmed Attaf. Leur dossier principal porte pour nom Sansal.
La coopération judiciaire et migratoire doit reprendre au plus vite. Le ministre de la justice Gérald Darmanin va lui aussi se rendre en Algérie. L’affaire du blocage des OQTF est son dossier. « La collaboration algérienne va être plus importante en matière de sauf-conduit et d’autorisation pour les Algériens expulsables, à condition de revenir sur la dimension judiciaire des expulsions, à savoir une consultation préalable et moins de médiatisation sur les personnes expulsées », prédit Hasni Abidi, Directeur du centre de recherche sur le monde arabe de Genève.
On remarquera que le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau n’est programmé dans aucun de ces voyages. Depuis quelques jours, il s’est fait plus discret. Nostalgique de l’Algérie française, le ministre de l’intérieur expliquait depuis le début de cette crise que l’Algérie était au cœur des problèmes que pose l’immigration à la France, comme l’a rappelé Valérie Lecasble dans nos colonnes.
Dans son échange avec le président algérien, Emmanuel Macron n’a pas omis d’évoquer les autres dossiers laissés en suspens. Outre la coopération sécuritaire dans le Sahel et les relations économiques — la France s’est engagée à appuyer la révision de l’accord d’association liant l’UE et l’Algérie—les deux pays veulent aussi reprendre « le travail de mémoire » à l’arrêt depuis plusieurs mois. La commission mixte d’historiens instaurée en 2023 reprend ses travaux sur la colonisation et la guerre d’indépendance. Elle doit présenter ses propositions avant l’été.
Entre Paris et Alger, une demi-étape vient d’être franchie. Même sur la question de la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, les lignes commencent à bouger. « La France ne peut revenir dessus car il s’agit d’une décision souveraine sur le plan marocain, reprend Hasni Habidi. Mais il y a eu des discussions sur ce qu’on appelle « l’approche espagnole » de la question, c’est-à-dire, on reconnait, mais cela s’arrête là, sans l’aspect ostentatoire. Or Macron, dans son discours devant le parlement marocain, avait promis de faire la promotion de ce plan marocain. Je pense que les Algériens ne veulent pas que les Français aillent plus loin ».