Paris : Rémi Féraud, la surprise de la cheffe
En officialisant la candidature du sénateur socialiste de Paris pour lui succéder à quinze mois des élections municipales, Anne Hidalgo veut le faire gagner sur une ligne anti-Olivier Faure.
Il ne paye pas de mine, si discret qu’on ne le remarque pas au premier regard. Au Sénat, où il est devenu un élu socialiste de référence, il n’hésite pas à déjeuner seul dans le restaurant presque mondain où les sénateurs ont l’habitude de se retrouver. « Rémi, un café » ? lui demande Marie-Arlette Carlotti, l’ex-ministre de François Hollande devenue questeure, qui aime prendre des nouvelles de ses collègues avec le secret espoir de les cornaquer en vue du prochain congrès du Parti Socialiste.
Rémi Féraud serait une prise de choix : proche parmi les proches, il est désormais le successeur désigné par Anne Hidalgo, qui renonce à briguer un troisième mandat à la Mairie. Élu à Paris depuis une quinzaine d’années, il y a occupé tous les postes, maire du 10ème arrondissement sous la bannière unitaire de Bertrand Delanoë, mais aussi conseiller de Paris, premier secrétaire fédéral, président du Groupe Paris en Commun, patron de la Fédération de Paris. A l’Hôtel de Ville, il a tant bourlingué qu’il en connaît les moindres recoins. Tout comme au Sénat où il siège depuis sept ans, réélu il y a un an pour un deuxième mandat.
Rémi Féraud n’est pas une vedette mais c’est un vrai politique. Fidèle pointilleux, il a conseillé dans l’ombre Anne Hidalgo, y compris lorsque son ex-premier adjoint Emmanuel Grégoire a profité de la dissolution pour se faire élire député PS de la 7ème circonscription de Paris, surfant sur la vague du Nouveau Front Populaire pour battre dès le premier tour l’ex-ministre d’Emmanuel Macron, Clément Beaune. C’est peu dire qu’Anne Hidalgo n’a pas apprécié ce qu’elle a tenu pour une double trahison : la quitter pour siéger à l’Assemblée nationale ; s’appuyer sur l’alliance électorale nouée par Olivier Faure, son ennemi depuis la présidentielle, avec celui qu’elle exècre, Jean-Luc Mélenchon.
Rémi Féraud, lui, n’attire pas la lumière et n’affiche pas ses ambitions. Mais il travaille, échange ses idées, se renseigne, élabore des stratégies. Il rejoint aussi Anne Hidalgo dans son soutien à Raphaël Glucksmann ; la maire de Paris était à ses côtés lors de son meeting pour les élections européennes au Zénith à Paris ou encore lors de sa rentrée politique à La Réole. Au PS, Féraud combat la ligne d’Olivier Faure et sait qu’il trouvera sur sa route aux élections municipales les candidats de Jean-Luc Mélenchon qui se sent pousser des ailes depuis que LFI a raflé aux législatives en juin dernier la moitié des circonscriptions à Paris.
Beaucoup des familiers de la politique à Paris apprécient Rémi Féraud pour la justesse de ses analyses et l’honnêteté de ses prises de position. À droite, on affecte de le tenir pour quantité négligeable. Ainsi Nelly Garnier, la première adjointe, qui fait office de maire du 7ème arrondissement pendant que Rachida Dati gère le ministère de la Culture : « Rémi Féraud, je ne le connais pas plus que Lucie Castets, c’est dire … ».
Rachida Dati devrait pourtant se méfier. Avec les candidatures annoncées d’Emmanuel Grégoire et Pierre-Yves Bournazel, 47 ans chacun, voici qu’avec l’irruption de Rémi Féraud, 53 ans, la maire du 7ème arrondissement avec ses 58 ans, prendrait presque un coup de vieux, seule représentante en lice de l’ancienne génération.