Pas de salut pour Ishiba

par Malik Henni |  publié le 08/11/2024

Pour la première fois depuis 2009, le parti libéral-démocrate (PLD) japonais a perdu les élections législatives du 27 octobre. Comme en France, on serait plutôt tenté de dire « personne n’a gagné » car aucune majorité ne se dégage à la Chambre basse.

Le premier ministre japonais Shigeru Ishiba à Tokyo, le 8 novembre 2024. (Photo de Masanori Genko / The Yomiuri Shimbun via AFP)

8 juillet 2022. Abe Shinzo, l’homme qui a le plus longtemps dirigé le Japon depuis 1945, tombe sous les balles d’un tireur pendant un discours électoral. Au choc de voir un homme politique assassiné dans un pays connu pour sa sécurité, succède bientôt l’indignation. Le tueur en voulait au PLD à cause de ses liens avec des sectes, notamment l’Église de l’Unification, plus connue en France sous le nom de secte Moon.

En remontant le fil de l’événement, les médias japonais ont découvert un vaste système de corruption. L’affaire atteint son paroxysme quand un professeur de droit constitutionnel porte plainte contre le PLD, mettant en lumière les écarts entre les sommes levés pendant les campagnes électorales et les dépenses effectives : de quoi alimenter un scandale de caisse noir qui a pourri le mandat du Premier ministre sortant, Kishida Fumio. Son successeur, l’actuel chef du Gouvernement, Ishiba Shigeru, a appelé des élections anticipées pour essayer de surfer sur sa toute nouvelle nomination. En vain.

Formation très large d’union des droites, le PLD regroupe plusieurs factions allant du centre-droit à l’extrême-droite. Tout cela pourrait ressembler à la situation des conservateurs britanniques : usure du pouvoir, scandales à répétition, absence de programme clair et mode de désignation peu démocratique du président du parti puisqu’il devient de facto Premier ministre. La lassitude de l’électorat se fait sentir.

Le PLD et son allié traditionnel, le Komeitô, occupent 215 sièges sur les 233 nécessaires à une majorité. Pour l’instant, la seule conséquence concrète de ces élections a été d’arrêter l’irrésistible ascension du fils de l’ancien Premier ministre, Koizumi Shinjiro, tenu responsable de la défaite et qui a dû démissionner de son poste de directeur stratégique du parti.

La principale force d’opposition, le Parti démocrate constitutionnel (PDC) de centre-gauche, est aussi dans l’incapacité de former une coalition pour gouverner. Seule la petite formation du Parti démocratique du Peuple (PDP) a ouvert la voie à un soutien au gouvernement, texte par texte. Une bonne nouvelle, pour les pacifistes : le projet d’amendement du fameux article 9 de la Constitution selon lequel le Japon renonce à la guerre est repoussé sine die.

C’est une situation rare que de voir la France, l’Allemagne et le Japon en situation d’instabilité parlementaire et politique en même temps. Alors que Tokyo s’inquiète de la réélection de Trump à cause de la hausse des droits de douane, mais surtout pour ses relations diplomatiques avec la Corée du Nord, le contexte économique ne cesse de s’assombrir pour l’Archipel.

La consommation des ménages recule, le risque de déflation est toujours très important et le vieillissement démographique ampute les perspectives de croissance. Dans ce contexte, les Japonais n’ont plus qu’à espérer que leurs élus fassent passer les intérêts du pays avant leur tambouille interne et leur opposition de façade.

Malik Henni