« Pas de souci »
Novlangue. De Newspeak, George Orwell, « 1984 ». Langage convenu et rigide destiné à dénaturer la réalité
Issu du latin « sollicitare » (tourmenter, préoccuper) et apparu au XIIIème siècle sous la forme de « soussy », le mot signifie, selon le Robert, préoccupation, contrariété ou encore tracas. Désormais utilisée couramment pour marquer l’approbation, l’expression « pas de souci » a peu à peu supplanté les traditionnels « D’accord », « OK », « Oui, bien sûr ! », et même « Avec plaisir ! », sur le modèle du très américain « no problem ».
Son usage est tel que l’Académie française s’est inquiétée, dès 2011, qu’on utilise si souvent le mot « souci » dans un sens dévoyé… Avec, façon anglo-saxonne et au sommet de l’élégance, le fameux… « No soucaille! » Un régal.
L’expression est rentrée dans le langage courant de façon insidieuse. Chez les jeunes surtout, mais pas seulement. Passe encore si elle était vide de sens et inoffensive, mais celle-ci pose un vrai « souci » : elle est, l’air de rien, terriblement anxiogène.
On demande un café bien serré ? « Pas de souci ! » On précise un délai pour un travail ? « Pas de souci ! » On suggère « une bouteille de rouge » à une amie qui ne sait pas quoi apporter ? « Pas de souci ! »
Depuis, cette évolution sémantique s’est banalisée, et cela n’a rien d’anodin. L’expression témoigne, en effet, d’un besoin croissant de rassurer dans un monde devenu anxiogène, chaotique et violent. Surtout, elle est emblématique de notre époque : elle sous-entend que toute question ou requête peut poser un problème et déclencher un conflit.
On a du souci à se faire.