Patrick Kanner : le congrès du PS sera historique
Pour le président du groupe socialiste au Sénat, le profil du futur premier secrétaire préfigurera celui du candidat de la gauche à l’élection présidentielle de 2027.

Lequel de vos partenaires de non-censure, Olivier Faure et Boris Vallaud, choisissez-vous pour le poste de premier secrétaire du PS ?
Ni l’un ni l’autre à ce stade. J’ai soutenu Nicolas Mayer-Rossignol au congrès de Marseille en 2023. Je suis membre de son courant, le TO3, je le reste. J’ai d’ailleurs signé sa tribune rédigée entre autres avec Anne Hidalgo et Carole Delga et qui donne notre position.
Pour le vote de non-censure, négocier avec le gouvernement de François Bayrou m’est apparu tout de suite nécessaire, même si ce budget n’était pas celui que nous aurions établi si nous étions au pouvoir. Olivier Faure et Boris Vallaud pouvaient avoir d’autres contraintes à l’Assemblée nationale, puisqu’au Sénat, la France Insoumise et le Rassemblement National n’existent pas. Pour autant, avec Olivier Faure et Boris Vallaud, nous nous sommes retrouvés sur la vision finale dans l’intérêt du pays.
Qu’attendez-vous de ce Congrès ?
Avec ses 40 000 adhérents, le Parti Socialiste a lancé une procédure démocratique puissante qui permettra à la fin de choisir celui qui défendra le mieux nos idées. J’attends de ce Congrès qu’il soit d’affirmation. Je n’ai pas peur de dire que je suis socialiste parce que je suis convaincu que seule cette formation politique associée à ses partenaires habituels et historiques pourra ramener la gauche au pouvoir. Je suis certain que LFI en est incapable et je n’adhère ni à l’idéologie ni aux méthodes de ce mouvement.
Croyez-vous à la sincérité de Faure et de Vallaud dans leur rupture avec LFI ?
J’ai envie de croire à cette lucidité qui doit aboutir à une rupture programmatique avec LFI. L’accord avec le Nouveau Front Populaire aurait dû être seulement électoral, et pas politique. Pour ma part, j’ai préconisé que l’on propose pour Matignon une personnalité issue de la première formation du NFP, en l’occurrence le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure. De son côté, Jean-Luc Mélenchon, déjà candidat pour 2027, continue de croire qu’il incarne à lui seul l’avenir de la gauche et que tout a commencé avec lui le 10 avril 2022.
Dans le cadre du congrès, la candidature d’Olivier Faure à son renouvellement à la tête du parti socialiste est légitime, tout comme le sont celles de mes camarades qui se sont d’ores et déjà déclarés. Les militants choisiront par un vote démocratique le 5 juin. Mais avant de savoir qui gagnera le poste, la décision sera collective, à l’issue d’un processus démocratique.
Plusieurs contributions vont être déposées : outre celles d’Olivier Faure, Boris Vallaud et Nicolas Mayer-Rossignol que nous avons déjà évoquées, il y aura celles d’Hélène Geoffroy, Jérôme Guedj, Philippe Brun et sans doute de Karim Bouamrane. Et comme il faudra qu’ils obtiennent chacun 30 signatures du Conseil national pour se constituer en texte d’orientation soumis au vote des militants, certains contributeurs devront fusionner avec d’autres afin de les décrocher sans que l’on sache encore dans quelle configuration. Le juge de paix sera le Conseil national de synthèse du 26 avril.
Boris Vallaud paraît le mieux placé pour battre Olivier Faure ?
Boris Vallaud est un proche d’Olivier Faure et sa candidature repose pour l’instant sur une tribune que je qualifierai d’appel. Il a raison de vouloir le rassemblement, mais cela, tout le monde y est favorable. Au PS l’unité n’est pas l’uniformité. Le débat et notre diversité sont notre richesse. Pour l’instant la tribune publiée montre juste une intention sur son objectif final de réconciliation. Les arêtes politiques devront être précisées. Quelle est sa position sur l’alliance avec LFI ? Quelles sont les priorités de son programme unitaire ? Nicolas Mayer-Rossignol va déjà plus loin, notamment quand il expose sa stratégie d’alliances avec Place Publique de Raphaël Glucksmann, les Verts et le Parti Communiste. Il y décrit des coopérations avancées entre la gauche socialiste, écologiste et communiste.
Au Parti socialiste, l’incarnation est la conclusion de la démarche démocratique menée pendant le Congrès, pas le préalable. Si Boris Vallaud veut devenir le primus inter pares, il lui faudra convaincre le conseil national de synthèse qu’il est le centre de l’union.
Et Olivier Faure, il a une chance ?
C’est un Congrès ouvert, et je m’en félicite. Les militants vont avoir le choix, contrairement à ce qu’affirmaient les proches d’Olivier Faure sur l’évidence de sa reconduction à la tête du Parti socialiste en raison de son recentrage lié à la stratégie de non-censure sur le budget et de sa prise de distance manifeste avec LFI. Pour ma part, je n’ai jamais soutenu Olivier Faure, lors des précédents congrès mais nous faisons partie de la même formation politique dont la richesse est intimement liée, encore une fois, au respect de ses sensibilités.
Vous préférez donc Boris Vallaud ?
Boris Vallaud pour succéder à Olivier Faure ? Cela dépend pour quoi faire. Boris Vallaud doit affirmer ses différences comme nous l’avons fait dans le texte de Nicolas Mayer-Rossignol qui montre une autre voie sur le fond et sur la méthode pour le Parti socialiste. Nous proposons clairement une alternative. Boris Vallaud devra dire où il se situe. Est-il une alternative ? Un entre-deux ? Ou la poursuite de la politique menée jusqu’à présent ?
Ce que je sais, c’est que la gauche a besoin d’un Parti socialiste renforcé, créatif et crédible. Nous devons positionner la galaxie socialiste comme centrale vis-à-vis de la gauche où nous sommes la première force. J’aime répéter que nous avons 131 parlementaires (66 députés et 65 sénateurs), soit davantage que les Verts, le Parti Communiste ou LFI. La situation est identique si on s’intéresse aux collectivités locales gérées par nos formations politiques respectives.
Ce congrès posera les jalons de la présidentielle de 2027 ?
Certainement, mais il faudra d’abord apprécier les équilibres politiques liés aux élections municipales dans un an, et en particulier le score du Parti socialiste après la clarification attendue avec LFI. Le PS doit bâtir son nouveau projet politique. Je ne suis pas capable aujourd’hui de brandir le programme qui dira comment changer la vie des citoyens comme nous l’avions fait dans les années 1980. Il faut s’y atteler dans la foulée de notre congrès du mois de juin. Cet enjeu pour le pays dépasse les accords tactiques qui peuvent exister dans un congrès. Encore une fois, la priorité n’est pas le casting mais le fond des choix de société que porteront les candidats au poste de Premier secrétaire. Je soutiendrai celui ou celle qui incarnera le mieux les intérêts d’une gauche de responsabilité capable de ramener à elle ceux qui ont pu être séduits soit d’un côté par la radicalité de LFI ou de l’autre par les sirènes de la macronie. Et je reconnais que le chemin est difficile.
Qu’attendez-vous au final de ce Congrès ?
Ce Congrès peut être historique. En 2027, cela fera dix ans que la gauche a été écartée du pouvoir. Elle plafonne aujourd’hui autour de 30% et pourtant le temps de l’alternance est nécessaire en portant un projet politique et une incarnation qui montreraient que l’avènement au pouvoir du Rassemblement National de Marine Le Pen n’est pas une fatalité. Les LR sont de plus en plus dans la roue de l’extrême droite avec des propositions de loi inspirées par Bruno Retailleau, ce dont le Sénat se fait systématiquement l’écho. Cette stratégie est mortifère car elle ne fait que renforcer la fidélisation des électeurs aux thèses de l’extrême droite et à ses représentants. Dans ce contexte, le Congrès du Parti socialiste du mois de juin doit s’affirmer comme la première digue pour empêcher cette politique du pire. Notre responsabilité est immense. Et le profil du premier secrétaire du PS préfigurera celui du futur candidat de la gauche pour être Président de la République.