PCI et box-office
« Berlinguer, La grande ambition » est sorti en Italie le 31 octobre. Le film retrace le parcours d’Enrico Berlinguer, leader du parti communiste italien et illustre les fondements de la gauche actuelle.
Personne n’oserait en France produire un film commercial consacré à Georges Marchais, ex leader du PCF. En Italie au contraire, le metteur en scène Andrea Segre, s’est risqué à « mercantiliser » la silhouette d’Enrico Berlinguer, ancien secrétaire général du PCI. Et, surprise, le film, sorti le 31 octobre, se hisse à la troisième place du box-office. Les salles, bondées chaque soir, sont le signe que « Berlinguer, La grande ambition » n’est pas franchement une représentation hagiographique du porte-drapeau innovant du « communisme européen ».
Segre a choisi sept années décisives, entre 1972 et 1979, pour nous raconter la formidable singularité du PCI incarné par Berlinguer. En effet, cette expérience spécifiquement italienne trouverait aujourd’hui de nombreux échos, comme le souligne l’historien Miguel Gotor.
En 1972, à 50 ans, après des années de militantisme modeste, Berlinguer était devenu le secrétaire général du plus grand parti communiste occidental – jusqu’à obtenir 34% des suffrages. Entre 1972 et 1979, après l’assassinat du leader de la Démocratie Chrétienne, Aldo Moro, par les terroristes des Brigades rouges, Berlinguer calmera ses ardeurs, jusqu’à sa mort en 1984. Il avait à peine 62 ans.
L’originalité de son bref règne tient en deux formules : le « compromis historique » et « l’eurocommunisme ». Ce second concept a été officialisé lors de ses contacts avec les soviétiques, du haut de quelques tribunes de congrès du PCUS. D’abord en condamnant l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie, puis en déclarant ouvertement son hostilité au stalinisme, enfin en promouvant la perspective d’un communisme opposé au « communisme réalisé », qui tiendrait compte de l’originalité démocratique des pays occidentaux comme la France, l’Espagne et l’Italie. Voilà « l’eurocommunisme ».
L’autre formule est encore plus surprenante puisqu’elle porte le nom de « compromis historique », deux concepts boudés par la gauche européenne. Face à la difficulté d’exercer le pouvoir, il propose une collaboration entre les trois grandes forces populaires que sont le communisme, le socialisme et le catholicisme, représenté par la célèbre Démocratie Chrétienne, refuge préféré des anticommunistes.
Dans le film d’Andre Segre, on découvre les rapports étroits, amicaux et complices, de Berlinguer et Moro, les deux apôtres du « compromis ». Lequel aboutira à une participation, de plus en plus intense, du PCI à l’exercice du pouvoir, jusqu’à devenir un simple « Parti démocrate », gratifié aujourd’hui de 24% des suffrages.
Mais revenons à l’historien Miguel Gotor et son Berlinguer champion de « rigueur, honnêteté, cohérence, et conception morale de la politique ». Sa conviction secrète ? Elle est simple : si le Parti démocrate contrôle encore 24% des suffrages exprimés, Enrico Berlinguer n’y est pas pour rien.