« Petit bac » deviendra grand?

par Jean-Paul de Gaudemar |  publié le 10/01/2024

Renforcer l’examen du brevet des collèges n’est pas en soi une idée absurde. Sauf si, pour les classes populaires, « Petit bac », transformé en sélection sociale, ne deviendra jamais grand…

Un élève dans un collège en Chine pendant un examen- Photo Xiao Yi / Imaginechina via AFP

Depuis 2006 et l’instauration du « socle commun de connaissances, de compétences et de culture », appellation qui résume ce qu’un collégien doit avoir acquis au sortir de sa scolarité, on voit se dessiner un parcours scolaire distinguant désormais « l’école de base »  – en gros l’école primaire et le collège – et correspondant à la scolarité obligatoire, d’un autre parcours démarrant avec le lycée et tendant à se prolonger au-delà jusqu’à Bac + 2 ou Bac + 3 pour un nombre croissant de jeunes.

Une exigence accrue pour vérifier les compétences acquises à la fin de l’école de base est donc logique. Mais à condition qu’il ne s’agisse pas simplement d’un examen en fin de dernière année, a fortiori d’un concours qui conditionnerait un parcours ultérieur. La vérification des compétences acquises doit être continue et nécessite un outil, de type livret de compétences, capable d’enregistrer tout au long du parcours les progressions effectives, les difficultés persistantes, etc. Le débat « notes ou pas notes » est à cet égard assez secondaire, dès lors que l’on fait confiance aux enseignants pour apprécier ce que savent et savent faire leurs élèves.  

On avait trouvé un équilibre entre la valorisation du livret de compétences pour la moitié de l’examen, l’autre moitié portant sur des épreuves en fin de parcours. Que le ministre décide que cette proportion soit modifiée et passe à 40/60 au lieu de 50/50 pourrait signifier un manque de confiance dans les enseignants, mais aussi un examen final essentiellement sur le programme de la dernière année. Donc, un déséquilibre.

Vouloir ensuite en faire un concours d’entrée au lycée pose d’autres problèmes. Que le taux de réussite au brevet soit profondément chamboulé ou non (aujourd’hui entre 85 % et 90 % selon les collèges, avec des exceptions notables pour les collèges les plus en difficulté), ce nouveau dispositif fait apparaitre une sélection à l’entrée du lycée . Ainsi, il prévoit que les jeunes n’ayant pas obtenu le brevet pourront néanmoins poursuivre vers la voie professionnelle. Non seulement cela achève de dévaloriser cette filière, mais cela entre en contradiction flagrante avec le manque de culture générale souvent reproché aux jeunes de cette voie.

Quant à ces classes de « prépa-lycée » censées accueillir désormais les élèves ayant échoué au brevet, que vont-elles être sinon des classes de redoublants ?

Bref,  ce « petit bac » pourrait bien être une façon non pas d’encourager les élèves dans leur progression, mais de revenir à un malthusianisme scolaire d’une autre époque. Il satisfera sans nul doute les conservateurs partisans d’une sélection sociale encore accrue à l’entrée au lycée puis à l’université.

Pour une grande partie des classes populaires, « petit bac » pourrait ainsi ne jamais devenir gage de réussite vers… un vrai bac!

Jean-Paul de Gaudemar

Chronique Société - Education- Afrique