Peugeot : made in Espagne

par Gilles Bridier |  publié le 09/07/2023

De la difficulté de réindustrialiser la  France…

Nouvelle Peugeot E-208, citadine compacte électrique. Du 18 au 23 octobre - Photo Herve Chatel / Hans Lucas

Rapatrier la production de la future Peugeot 208 électrique en France… Pour Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, c’eût été une victoire symboliquement forte à l’heure où la réindustrialisation de la France, une priorité par Emmanuel Macron.


Raté. Non seulement l’actuelle version du modèle le plus populaire de la firme de Sochaux, lancée en 2019 a surtout été produite en Slovénie et non en France, mais cette version électrique restylée tournée vers l’avenir va être confiée à une usine du groupe… en Espagne.

Tournant encore une fois le dos au berceau industriel de la marque. Carlos Tavares le patron du groupe Stellantis, dont Peugeot fait partie, vient de signifier, selon le journal Les Échos, une fin de non-recevoir à la demande du ministre, opposant des arguments économiques à une pression politique.

Cette séquence entre un industriel et un dirigeant politique s’est déjà produite en 2010 entre Carlos Ghosn, patron de groupe automobile, et le gouvernement Fillon de l’époque, lorsque la production de la Clio IV de Renault fut délocalisée en Turquie.

Christian Estrosi, ministre délégué à l’Industrie, réclamait qu’au moins les voitures destinées au marché français sortent des usines de l’Hexagone. Peine perdue. Les Clio sont toujours réimportées de l’usine turque. Produire des voitures économiques sur le sol français constitue un défi que les constructeurs n’ont pas encore relevé.

Ainsi, à treize ans d’intervalle, en restant sur le mode incantatoire, les responsables politiques semblent n’avoir rien appris face au déclin de la production automobile française. Certes Renault, qui fabrique des Zoé à Flins, vient d’opérer dans son usine de Douai une transition totale vers l’électrique pour accueillir les futures Renault 5.

Et Emmanuel Macron comme Bruno Le Maire ne ménagent pas leur énergie pour inaugurer des sites de production de batteries pour véhicules électriques, à Dunkerque, Douai ou Douvrin. Mais, comparé aux délocalisations de Renault comme de Peugeot et Citroën qui ne construisent plus en France que moins d’une voiture sur trois de leurs productions mondiales, le compte n’y est pas.


En quinze ans, ce sont plus de 40% de leurs volumes d’activité que les usines françaises ont globalement perdu, entraînant – et c’est le plus important – des pertes d’emploi dans des proportions équivalentes.

Le symbole d’une nouvelle Peugeot 208 électrique fabriquée à Sochaux ou à Mulhouse aurait permis à Bruno Le Maire de démontrer que les efforts des politiques finissaient par porter leurs fruits. Il n’en sera rien. Le groupe Stellantis fortement internationalisé privilégie la logique économique dans un monde où la pression de la concurrence lui laisse peu de marge de manœuvre pour relever ses prix. Sauf à mécontenter ses actionnaires ou ses clients et à pénaliser l’entreprise.

Le genre d’arguments qui ne peut laisser insensibles les défenseurs des politiques économiques aujourd’hui à l’œuvre.
Finalement, face à Stellantis aujourd’hui comme à Renault autrefois, les ministres libéraux sont confrontés à leurs contradictions face au système qu’ils défendent…. C’était bien d’essayer.

Gilles Bridier