Plus à droite que moi, tu meurs !

par Sylvie Pierre-Brossolette |  publié le 19/03/2025

La perspective de la présidentielle et l’évolution de l’opinion conduisent à une droitisation des forces du socle commun. À la fois une aubaine et un défi pour les sociaux-démocrates.

Un rassemblement pour dénoncer l'insécurité liée à l'immigration ainsi que le laxisme judiciaire, et exiger les actes des ministres de l'Intérieur et de la Justice, Bruno Retailleau et Gérald Darmanin, sur la place du Panthéon, le 1er mars 2025. (Photo Quentin de Groeve / Hans Lucas via AFP)

Bruno Retailleau engage un bras de fer avec Alger, Gérald Darmanin veut interdire le port du voile dans les compétitions sportives, Édouard Philippe fustige un « conclave hors sol », François Bayrou écarte tout retour à la retraite à 62 ans, Emmanuel Macron prend des accents martiaux pour réclamer un réarmement de la France tout en refusant d’augmenter les impôts des plus riches…C’est à qui montrera le plus ses muscles dans le discours, et même dans les actes. Les progressistes ne sont pas à la fête.

Et pourtant, c’est un adepte du « en même temps » qui est à l’Élysée, et un centriste estampillé qui est à Matignon. Et comme ils n’ont pas de majorité à l’Assemblée, les leaders de cette « super-minorité » devraient – théoriquement – chercher des compromis sur leur gauche. Seulement voilà : l’air du temps et les sondages favorisent les grandes gueules, surtout lorsqu’il s’agit de remettre de l’« ordre » (mot fétiche de Retailleau), en matière de sécurité, d’immigration et même de finances publiques.

Toutes les études d’opinion montrent que les Français sont à la recherche d’une politique plus rigoureuse. Les chiffres en hausse de la délinquance, de l’immigration non désirée, des déficits couplés au délabrement des services publics, conduisent les électeurs à préférer les solutions fermes, fortes et rapides. Du coup, se calant sur la demande d’autorité, les représentants de la droite et du centre radicalisent leurs positions.

La concurrence du Rassemblement national est une épée dans les reins. Quel que soit son candidat ou sa candidate – Marine Le Pen ou Jordan Bardella – l’extrême-droite est créditée de scores massifs au premier tour de la présidentielle, qui lui garantissent une place au second. Cette obsédante domination a un double effet. Sur la droite classique, d’abord, qui cherche à récupérer ses électeurs égarés en reprenant les thèmes du RN et quelques-unes de ses propositions. L’autre sur la gauche, qui n’ose plus rien dire, tétanisée par les sujets régaliens, tant elle craint d’y perdre son âme.

A droite, on fait le pari qu’à l’inverse du proverbe, les électeurs préfèreront enfin la copie à l’original. La poussée de l’extrême-droite se fait sentir dans tout le monde occidental et la digue du front républicain risque de céder en 2027. Les aspirants candidats cherchent donc à écorner le capital du Rassemblement national en amont de la compétition, en apportant d’ores et déjà des réponses aux citoyens qui veulent de la poigne. Ça passe ou ça casse, et tant pis si le RN voit ainsi validées certaines de ses positions…

A gauche, la droitisation de la droite paraît une aubaine, un champ s’ouvre théoriquement pour les sociaux-démocrates. Mais c’est aussi un défi. Les sujets sur la table – immigration, sécurité, déficits – ne sont pas des inventions. Même s’ils votent socialiste, les citoyens sont en demande de réponses. Leur vie quotidienne est affectée, leur expérience ressemble à celle de leurs compatriotes. Les plus défavorisés sont les premières victimes de l’inefficacité de la puissance publique, qu’il s’agisse de social ou de sécurité. Il faut donc sortir des silences embarrassés. Entre concessions au RN et mutisme frustrant, une voie existe : celle d’une gauche de gouvernement qui assume les réalités. L’heure est aux congrès de parti et aux ébauches de programme. C’est le moment d’abattre quelques cartes, pour ne pas désespérer Billancourt.

Sylvie Pierre-Brossolette

Sylvie Pierre-Brossolette

Chroniqueuse