Police : la pente factieuse
Le mouvement de protestation qui secoue la police est en passe de franchir une ligne rouge démocratique
Le directeur général de la police dirige-t-il vraiment la police ? La question de pose après la déclaration insensée de Frédéric Veaux, actuel titulaire de ce poste d’autorité où il fait preuve de tout, sauf d’autorité.
Confronté à la fronde des policiers de Marseille après la mise en détention provisoire de l’un d’entre eux, plutôt que de rappeler les principes élémentaires de la loi républicaine, il s’est solidarisé du fonctionnaire accusé.
Il même laissé très clairement entendre que les policiers devaient se situer au-dessus des lois communes : « De façon générale, je considère qu’avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail ». En d’autres termes : je suis leur chef, donc je les suis. Mieux : je les couvre.
Selon toute probabilité, un ministre de l’Intérieur plus raide que l’actuel, ou plus sûr de lui, aurait procédé à son remplacement sur l’heure. Au lieu de quoi on apprend dans Le Parisien que Gérald Darmanin a approuvé préalablement la déclaration du directeur, qui lui avait été soumise !
Le président et la première ministre se sont ensuite contentés de quelques généralités mollassonnes sur la nécessaire indépendance de la justice. On pouvait difficilement faire moins… Chacun comprend, donc, que le gouvernement, désormais, a peur de sa police.
On dira que les policiers ont été durement éprouvés par les crises sociales à répétition, qu’ils font leur travail dans des conditions d’extrême difficulté, que les violences des dernières émeutes ont atteint un degré inédit de violence. La chose est indiscutable.
Mais on doit aussi remarquer que les accusations portées contre les quatre fonctionnaires marseillais mis en examen sont graves. Selon les témoignages aujourd’hui connus, le jeune homme pris à partie par les policiers a été frappé d’un tir tendu de LBD, puis traîné dans une ruelle et roué de coups, alors que selon ses dires, il n’a pas participé aux émeutes.
La mise en examen était inévitable. Ses termes sont explicites : « violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique avec usage ou menace d’une arme »
Les policiers affirment que l’incarcération provisoire d’un des leurs ne se justifie pas dans la mesure où il présente toutes les garanties de représentation. Mais ce n’est pas le seul critère de mise en détention.
Il est fort possible que les juges responsables de cette décision s’appuient sur des motifs parfaitement valables, hypothèse sur laquelle le DGPN s’est assis avec une troublante assurance, commettant une grave entorse au principe de la séparation des pouvoirs.
Inquiétante dérive : depuis quelques années, une partie de la police prend avec le pouvoir politique de dangereuses libertés. Certains syndicats emploient des termes guerriers extravagants, menacent le gouvernement et exercent sur lui un chantage choquant en approuvant un mouvement qui contourne la loi pour mener une grève qui ne dit pas son nom.
En s’abstenant de réagir à la mesure du défi, les autorités démocratiques se mettent elles-mêmes en danger.