Pour un vrai Front Populaire

par Laurent Joffrin |  publié le 01/12/2024

Si le gouvernement est renversé – hypothèse vraisemblable – il existe une solution de remplacement : celle de Léon Blum et de Maurice Thorez, qui avaient élargi l’alliance de gauche vers le centre.

Laurent Joffrin

L’après-Barnier ? On est bien obligé d’y réfléchir. Marine Le Pen avance le bras comme un empereur romain, sans qu’on sache si elle tournera son pouce vers le haut ou vers le bas. Alors on échafaude des hypothèses : une nouvelle mouture de l’alliance droite-centre, un « gouvernement technique » ou une formule d’union nationale. Mais il en est une qu’on néglige : la transformation du NFP en vrai Front Populaire.

Rappelons-le : en 1936, devant la menace des ligues fascisantes, et pour écrire une page glorieuse de l’histoire de la gauche, la SFIO de Blum et le PCF de Thorez avaient passé une alliance avec le Parti radical autour d’un programme minimal ; un Parti radical tout aussi incertain et composite que l’est aujourd’hui la mouvance macronienne. Même si le gouvernement Blum n’a guère duré, il en est sorti des réformes historiques – congés payés, quarante heures, droit syndical… – que la gauche célèbre encore.

Anachronisme ? Illusion réformiste ? Pas si sûr : la solution de droite ayant échoué, serait-il si illogique de tenter celle de gauche ? Sur le papier, rien de plus simple : au lieu de fricoter avec le RN et la droite, les centristes se tourneraient vers la gauche pour négocier un compromis acceptable pour les parties prenantes. Ce ne serait certainement pas la mise en œuvre du programme du NFP, mais un projet intermédiaire, qui réunirait gauche et centre. Soutenu par une coalition disposant d’une majorité relative, un gouvernement de transition éviterait au pays de passer sous les fourches caudines lepénistes, conformément au souhait de l’électorat, qui a voté, rappelons-le, contre le RN au second tour des législatives. N’est-ce pas, après tout, la construction esquissée par Boris Vallaud, sous la forme d’un accord « de non-censure » ?

Seulement voilà : Mélenchon n’en veut pas. Son but n’est pas de fournir une solution au pays, mais d’attiser l’incendie institutionnel dans l’espoir de provoquer une présidentielle. À cet effet, il martèle dans l’opinion sa volonté d’être le candidat unique de la gauche, pensant que la répétition finira par payer. Ce n’est guère que la quatrième fois qu’il emploie la méthode Coué : une fois pour annoncer qu’il serait bientôt Premier ministre, trois fois pour se projeter à l’Élysée, la quatrième pour s’imposer en 2025. Sans aucun succès jusqu’à présent.

On sait bien pourquoi : jamais dans l’Histoire la gauche radicale n’a gagné une élection nationale. Et si en 2025, le leader de LFI parvenait d’aventure à passer le premier tour, il aurait toutes les chances d’être battu au second par Marine Le Pen. À tel point que beaucoup de socialistes, par un moyen ou par un autre, sont décidés à lui barrer la route. Quelle meilleure manière d’y parvenir rapidement, que de suivre l’exemple des grands ancêtres, qui ont su, eux, empêcher la victoire électorale de l’extrême-droite ?

Laurent Joffrin