Pour une Cinquième République…démocratique.

par Laurent Dutheil |  publié le 27/03/2023

L’exaspération suscitée dans le pays par l’application de l’article 49-3 à une réforme hautement critiquée traduit, tout autant que le rejet de la réforme Macron, la contestation à chaque fois plus vive de la monarchie républicaine qui régit le pays.

Laurent Dutheil ( DR)

Ils manifestent, aussi, contre la Cinquième République.

Depuis une vingtaine d’années, la défiance à l’égard du politique se généralise, la crise sociale s’aggrave et les dénis de démocratie se multiplient. Des voix de plus en plus nombreuses considèrent que cette constitution, bouclier pour l’exécutif, a instauré une « démocratie sans le peuple » et que la fracture s’élargit dangereusement entre une société en mouvement et des institutions devenues plus rigides que solides.

Il est temps que le courant socialiste s’en saisisse pour proposer une alternative crédible

Au fil de leur histoire, les socialistes ont considéré les questions institutionnelles comme secondaires. Les socialistes du début du XXe siècle, inspirés par le marxisme et la culture jacobine, acceptent du bout des lèvres le parlementarisme pour enraciner la République. Ni Jaurès, ni Blum ne tranchent clairement la querelle entre partisans de la démocratie directe et militants de la démocratie représentative. 

Sous la IVème République, par manque de doctrine, les socialistes ne sont pas en mesure d’opposer un projet d’ensemble à l’offensive des droites visant à renforcer le pouvoir exécutif, à asseoir le bicamérisme et permettre le référendum. Le Parti socialiste d’Épinay, en 1971, ne tranche pas davantage entre parlementaristes et présidentialistes. L’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral s’imposent à lui. En un mot, le projet socialiste de réforme institutionnelle reste à construire.

A la fois plus autonome et plus individualiste, l’expression politique citoyenne est devenue plus critique. La méfiance qui s’est installée et qui s’est généralisée à l’encontre des institutions, comme du personnel politique, fait le lit d’une crise de la représentation et suscite une réticence croissante à l’égard de tous les types de médiation politique. 

La défiance à l’égard de la classe politique et des institutions fragilise tous les mécanismes de la représentation démocratique

Le rapport aux élections s’est beaucoup modifié et l’électorat devient intermittent, voire indifférent, comme en témoigne le nombre croissant et record d’abstentionnistes.

Enfin, le développement des médias en continu et des réseaux sociaux modifie le rapport au temps politique. L’instantanéité et la démultiplication des messages accélèrent de façon spectaculaire le désir de voir se réaliser la promesse politique mais aussi le risque que le citoyen soit constamment frustré et mécontent.

Nous faisons nôtres les analyses de Pierre Rosanvallon sur la dissociation entre légitimité des gouvernants et confiance des gouvernés : un monde politique davantage régi par le jeu des personnalités que par des débats tranchés, un volontarisme au moment de l’élection et un réalisme dans l’action, une démocratie électorale basée sur la personnalisation et l’incarnation et une démocratie fondée sur la démultiplication des instances de débat et de contrôle.

Dans un contexte de crise sociale et politique, la radicalité et la violence gagnent en légitimité

Les Français, s’ils ne rejettent pas les rouages de la représentation démocratique, privilégient de plus en plus des formes d’actions politiques autonomes et spontanées, de fait plus protestataires. Ces différents cercles de contestation, s’ils n’ont pas la même capacité de mobilisation et de diffusion, interrogent les mécanismes actuels de la représentation démocratique.

Dans un contexte de crise sociale et politique, la radicalité et la violence gagnent en légitimité, se nourrissent d’un désenchantement à l’égard du système politique et de ses représentants et risquent, sur fond de populisme ambiant, de déboucher sur un mouvement antisystème d’ampleur.

A l’heure où le Président de la République cherche à attiser pour discréditer, refuse les compromis et préfère fracturer, génère par son autisme et ses provocations une vague de ressentiments sur lesquels surfe l’extrême droite aux portes du pouvoir, il devient urgent que la gauche de transformation responsable s’attèle au chantier de la rénovation de nos institutions.

Ce chantier pourrait s’articuler autour de deux axes : rénover la vie politique et parlementariser la Vème République

D’une part, nous proposons que le système représentatif soit complété par des mécanismes permettant aux citoyens de s’exprimer en dehors des échéances électorales et de participer directement à l’élaboration des choix collectifs.

De tels mécanismes ne sauraient constituer de « solution miracle » de nature à endiguer, à eux seuls, la montée de la méfiance qui ronge le lien entre les citoyens et leurs représentants, mais nous sommes convaincus qu’ils peuvent améliorer la confiance de nos concitoyens en leurs institutions, enrichir le débat public et renforcer notre démocratie.

Dans cette perspective, la réflexion pourrait porter sur le référendum législatif (extension de son domaine aux questions de société, fin du monopole de l’exécutif, référendum à choix multiples, assouplissement des contraintes du référendum d’initiative citoyenne de 2008 et du droit de pétition de 1958, etc…), l’instauration de la proportionnelle et le droit de vote et d’être éligible aux élections municipales à des ressortissants de pays tiers ayant un lien réel avec la France.

Notre objectif ? Répondre au malaise démocratique grandissant

D’autre part, et compte tenu de l’affaiblissement croissant du rôle et de la place de l’Assemblée Nationale au profit de l’exécutif, nous proposons de revenir sur l’inversion du calendrier électoral qui contribue significativement à la présidentialisation du régime et donc que les députés soient élus avant le chef de l’État.

Mais comme il semble aléatoire que cette inversion suffise à restaurer la fonction parlementaire, comme en témoigne la période 1962-2005, nous souhaitons un gouvernement qui procède non du président mais de l’Assemblée Nationale.

Par ailleurs et dans le but de donner une plus grande recevabilité financière aux initiatives parlementaires, il conviendrait d’assouplir le corset de l’article 40.

Notre objectif ? Répondre au malaise démocratique grandissant, débattre sans tabou des défauts de fabrication d’un régime en crise.

Laurent Dutheil

Ancien sénateur, secrétaire général de Nouvelle Société, co-secrétaire général du Lab de la social-démocratie

Laurent Dutheil