Pourquoi Meloni a fait marche arrière

par Marcelle Padovani |  publié le 19/07/2024

En refusant de soutenir Ursula von der Leyen, la dirigeante italienne a plus raisonné en chef de parti plus qu’en chef de gouvernement.

Giorgia Meloni Photo by Ludovic MARIN / AFP

Elle aurait pu, Giorgia Meloni, franchir le Rubicon ce 18 juillet. C’est raté. Dix-huit mois après sa consécration comme « premier chef de gouvernement post-fasciste », décliné de plus au féminin, « la Meloni » a fait marche arrière, à Strasbourg, par rapport aux prévisions : en contraignant ses 24 députés européens à voter « non » à Ursula von  der Leyen . « Pire qu’un crime, une erreur », a tranché le journal non-conformiste Il riformista », citant Joseph Fouché. La Meloni aurait donc bloqué ce jour-là son passage du statut de souverainiste à celui de leader démocratique.

Les critiques se sont alors déchainées, requalifiant la leader de Fratelli d’Italia d’« Evita Perón de banlieue », de « petite Duce » qui avait « glissé sur une peau de banane ». En « préférant se blinder » derrière « un tacticisme politique », comme dit l’historien de droite Alessandro Campi. Tandis que le député de gauche Filippo Sensi avouait, lui : « J‘ai honte d’être italien ».

Hors-jeu

Mais repartons des faits qui expliquent cette « honte ». Jeudi soir à Strasbourg, Giorgia Meloni annonce qu’elle ne votera pas la confirmation d’Ursula von der Leyen comme présidente de la Commission européenne, avec sa ligne de soutien à l’Ukraine et de défense du modèle social européen. Une ligne populaire-libérale-socialiste avec en plus une ouverture imprévue aux Verts.  « Ursula » était pourtant l’amie de Giorgia, dit-on à Bruxelles. Pourquoi l’a-t-elle laissée tomber, préférant être jugée, en même temps que son pays, comme hors-jeu ? Parce que, disent tous les commentateurs, elle a raisonné en chef de parti plus qu’en chef de gouvernement, en réclamant parait-il à la future Présidente une sorte de carte de reconnaissance certifiant publiquement que la droite italienne était partie prenante du jeu européen. Comme si l’Italie, pays fondateur de l’Union européenne et membre actif de tous ses exécutifs, avait besoin de voir reconnu son droit héréditaire au membership bruxellois…

Reste à savoir maintenant si cette stratégie du « recul tactique et stratégique », comme l’écrit La Repubblica, qui entraine, hélas, la mise à l’écart forcée de la troisième puissance européenne, renforcera ou non la stabilité du gouvernement à Rome. Rien n’est moins sûr. Parce qu’il y a l’autre face de la marche arrière mélonienne : les camarades de cordée avec lesquels elle se retrouvera coincée sur le terrain. À savoir le hongrois Orbán, la française Le Pen, l’italien Salvini et l’espagnol Abascal, tous membres du groupe souverainiste Patriot, connu pour ses choix anti-européens, anti-Otan, pro-Poutine et pro-Trump, qui feront tout pour compliquer la vie des derniers conservateurs encore pro-européens.

Marcelle Padovani

Correspondante à Rome