Pourquoi la police est poussée dans les bras de l’extrême-droite
Les policiers sont des citoyens comme les autres. Aujourd’hui, se sentant abandonnés, ils se rapprochent de ceux qui leur promettent soutien et considération. Par Élie Puigmal
Les hommes et les femmes qui composent les forces de l’ordre (police, gendarmerie) sont issus de la société française. Leurs opinions politiques ne sont donc que le reflet de celles qui s’expriment dans le pays. N’oublions pas qu’à la dernière présidentielle, Marine Le Pen a réuni plus de 41 % des suffrages au second tour.
En quoi policiers et gendarmes seraient-ils plus à l’extrême-droite ou plus racistes que l’ensemble du corps social ? Pour poser le débat sans tabou, il faut les entendre et les écouter pour les comprendre, eux qui, tous les jours, concourent à la sécurité des Français.
La Fédération autonome des syndicats de police (FASP) est née en 1969, deux ans avant le Front national. Elle rassemble alors l’ensemble des organisations de la Police nationale. De 1983 à 1998, j’ai assumé des fonctions de responsabilité au sein de cette instance.
Jusqu’en 1995, la FASP remporte les élections paritaires. Elle défend les principes d’une police républicaine, soucieuse des droits de l’homme. Pour nous, les policiers sont des citoyens à part entière et non des citoyens à part. Nous avons soutenu Pierre Joxe, ministre de l’Intérieur socialiste de 1984 à 1986 puis de 1988 à 1991, qui a mis en place le Code de déontologie. Nous avons créé le comité Presse-Police- Justice. Et nous avons depuis longtemps souligné les rapports compliqués des Français avec leur police.
À l’époque, un malaise grandit au sein de la Police de l’air et des frontières (PAF), confrontée à une immigration croissante, qu’elle supporte plus ou moins bien : un terreau pour les idées du Front national. Nous dénonçons dans le même temps les agressions de policiers lors des opérations de maintien de l’ordre, le développement du trafic de drogue, le recul des services publics dans certains territoires, les colères des automobilistes verbalisés, jusqu’au refus d’obtempérer. Peu à peu mais inexorablement, les policiers se sentent abandonnés par les gouvernements, trahis par la Justice.
Ils souffrent, selon nous, de déshumanisation, de désocialisation, de déclassement, d’abandon et d’isolement. Ce cri d’alerte remonte jusqu’au sommet de ministère de l’Intérieur. Les revendications que portons sont précises : renforcer la formation initiale et assurer une vraie formation continue ; mettre en place une véritable gestion des ressources humaines ; améliorer les rémunérations sans oublier les heures supplémentaires et les indemnités de déplacement ; augmenter les effectifs ; améliorer la prise en charge des policiers blessés ou témoins de la mort d’un collègue, de violences diverses.
C’est la non-prise en compte d’un certain nombre de ces revendications qui provoque le genre de réflexion suivante : “ nous avons essayé la droite et la gauche, pourquoi ne pas essayer le Rassemblement national ?” Chez les agents des forces de l’ordre, comme dans la société, ces propos sont suivis de rapprochements idéologiques avec l’extrême-droite, d’adhésion à ses thèses nauséeuses.
La police n’est pas systématiquement raciste. Mais il y a des racistes dans la police. Et ils seront de plus en plus nombreux si les hommes et les femmes qui la composent ne sont pas vraiment écoutés avant d’être entendus.
Elie Puigmal.
Secrétaire général national du syndicat de la police nationale des CRS de 1981 a 1992. Secrétaire général national de la police nationale du syndicat national des policiers en tenue (SNPT) et des enquêteurs de 1998 à 1999. A participé à la création de l’UNSA police.