Pourquoi le dernier Joel Dicker est nul

par Laurent Perpère |  publié le 09/03/2024

Déjà en tête des ventes,  Un animal sauvage, le dernier ouvrage de l’écrivain aux 12 millions d’exemplaires, a des allures de roman de gare…

D.R

Confessons-le d’emblée, on aime bien Joel Dicker. Certes, ce n’est pas de la grande littérature, mais c’est bien tourné, les intrigues sont merveilleusement tricotées, une maille à l’endroit, une à l’envers, on se perd dans de délicieux labyrinthes remplis de miroirs déformants. Bref, de vrais plaisirs de lecture.

Avec Un animal sauvage, c’est raté, mais heureusement bien plus court que d’habitude.

Les personnages, une vraie caricature, à ne pas y croire. L’héroïne, très belle bourgeoise de 40 ans : « Sophie, elle, portait une robe noire divine, courte sur les cuisses, sexy en diable, qui sculptait sa poitrine ferme, tout en révélant ses jambes magnifiques qu’allongeaient davantage ses escarpins Saint-Laurent ». Un détail qui aura son importance : sa cuisse dévoile le tatouage d’une panthère. Son mari, Arpad, est banquier « splendide, chic et décontracté en même temps, vêtu d’un pantalon italien parfaitement coupé et d’une chemise à la blancheur éclatante, dont les derniers boutons, restés ouverts, laissaient deviner un torse musclé ».  On se croirait dans SAS.

Les autres sont à l’avenant, entre un policier membre éminent d’une unité genre GIPN suisse, son épouse frustrée conjugalement et socialement, un braqueur ancien gauchiste révolutionnaire, un restaurateur (de Saint-Tropez, bien sûr) hâbleur et assez beauf, etc.

Bien entendu, les couples ne sont pas aussi unis qu’il paraît, les identités sociales sont trompeuses et le braquage, annoncé dès la première page, pas aussi évident qu’on ne l’imagine. Ne l’oublions pas, on est quand même chez Dicker.

On fera l’impasse sur l’écriture comme sur la construction du roman, qui ne brillent pas par leur sophistication. Bon, au moins peut-on espérer que la magie de l’intrigue va sauver tout cela, comme dans Harry Québert, les Baltimore ou la peut-être moins réussie Chambre 622.

Et bien non! On sent venir de très loin les tours de passe-passe par lesquels on adore d’ordinaire se faire prendre, et au bout du compte, la révélation est assez plate. Le bel amoureux rebelle se sacrifie, les couples menacés se retrouvent après l’épreuve et tout est bien qui finit bien.

Quelques vaguelettes sur le lac de Genève, donc. 400 pages pour cela?

Un animal sauvage, de Joel Dicker. 398 pages. Rosie Wolfe, ed. 6 mars 2024

Laurent Perpère

Laurent Perpère

chronique livre et culture