Présidentielle : ils y pensent tous
Encouragées par l’éclatement du paysage politique et la perspective d’une présidentielle à plus ou moins brève échéance, pas moins de vingt personnalités rêvent déjà d’entrer à l’Élysée. Un trop plein qui risque de faire le jeu des extrêmes.
La dissolution a eu un double effet collatéral : elle a accéléré la course à l’Élysée et allongé la liste des présidentiables. Pas un jour ne passe sans que tel ou tel coureur ne s’affirme ! Un véritable phénomène de multiplication des pains, sauf qu’un seul, à la fin, sera rassasié. Plusieurs éléments concourent à ce que de nombreuses personnalités espèrent leur heure arrivée : le chef de l’Etat ne peut pas rempiler, son maintien jusqu’en 2027 est questionné, le paysage politique est éclaté façon puzzle suscitant au moins autant de champions que de tendances, l’exemple de la fusée Macron sortie de (presque) nulle part en 2017 donne des idées à des ambitieux incités à tenter leur chance sur le thème : pourquoi pas moi ? Le risque d’une telle prolifération est que les mois et années à venir soient employées à s’entredévorer, empêchant l’émergence d’un concurrent à l’assise assez solide pour battre les extrêmes.
Entre les deux candidatures plus que probables de Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, des joueurs de tous bords et toutes catégories se disputent un terrain encombré. Chacun tente de cranter sa présence dans le match, plus ou moins ouvertement. Edouard Philippe vient de s’affirmer par deux fois en quelques jours, François Ruffin sort ses griffes, Gabriel Attal montre les dents… Vingt impétrants rêvent déjà, à tort ou à raison, de la fonction suprême. Sans compter les « remplaçants », membres du prochain gouvernement, qui, fatalement, fera naître des vocations. Quels joueurs sortiront de la mêlée ? Avec quelles chances de succès ? Passage en revue.
Les plus évidents
Marine Le Pen
L’Élysée est son objectif déclaré. Sauf empêchement judiciaire, elle tentera à nouveau de conquérir le pouvoir, en 2027, ou plus tôt si elle décide que c’est son intérêt de provoquer un blocage du système conduisant à un retrait d’Emmanuel Macron. Elle n’a pas de concurrent dans son camp et sera sans doute plus prête que jamais à affronter le suffrage universel. Le Front républicain barrera-t-il à nouveau la route à l’extrême droite ?
Jean-Luc Mélenchon
Dernier round pour le « leader maximo ». Toute sa stratégie d’empêchement à gauche est destinée à lui libérer le chemin pour une ultime candidature. Ses fidèles de LFI lui servent de garde prétorienne. Il a des soutiens ciblés chez les jeunes et dans les quartiers. Il a éliminé ses opposants internes. Écouté par les électeurs de gauche les plus radicaux, il se heurte à tous les autres. Un social-démocrate parviendra-t-il à le supplanter ?
Édouard Philippe
Il se dit plus « déterminé » que jamais. Il se sent obligé de le répéter à chaque occasion tant les rivaux ne manquent pas dans son camp. Il se prépare en ayant pour but de fédérer les soutiens des familles centristes et conservatrices. En un mot reconstituer l’UMP qu’il a contribué à créer avec Alain Juppé. Il mitonne un programme d’action « massif » de rupture. Parviendra-t-il à convaincre les Français sans leur faire peur ?
Les plus expérimentés
François Bayrou
Le maire de Pau n’a renoncé à rien. Après s’être effacé devant Macron, il rêve d’une nouvelle chance de se frotter au suffrage de tous les Français. Ce centriste qui prône l’union en dehors des extrêmes va continuer à incarner cette ligne qui a tant de mal à triompher en France. Si la droite désormais au pouvoir déçoit, il espère attirer les mécontents du nouveau régime. Mais il n’est plus seul au centre et a perdu sa popularité d’antan.
Xavier Bertrand
Futur premier ministre possible le temps d’un été, candidat malheureux à la dernière primaire des Républicains, il fait preuve d’une remarquable ténacité dans l’adversité. Président de région modéré, il se veut homme de terrain à l’écoute des préoccupations de ses concitoyens. Malgré sa déception d’avoir vu Matignon lui échapper, il ne lâchera pas la partie. Très bosseur, il aura un programme à proposer même si son heure est peut-être passée.
Bernard Cazeneuve
L’ancien Premier ministre, lui aussi impétrant possible et déçu à Matignon, a déjà dévoilé son envie de diriger le pays. Représentant modéré de l’aile social-démocrate de la gauche, il a un positionnement de rassembleur. A charge pour lui de convaincre assez de citoyens pour passer le premier tour de la présidentielle. En mordant, au-delà du PS, à la fois sur l’électorat LFI et l’aile la plus progressiste des macronistes. Difficile.
Anne Hidalgo
La maire de Paris aimerait prendre sa revanche. Effacer sa contreperformance à la dernière présidentielle. Requinquée par la réussite des jeux olympiques dans la capitale, elle peut se représenter aux prochaines municipales et l’emporter. Très critique de la direction actuelle du PS, elle se place dans le courant social-démocrate hostile à LFI. Si ce courant finit par gagner, elle sera renforcée. Assez pour obtenir de ses camarades une seconde chance ?
François Hollande
Le trou de souris dans lequel s’est faufilé l’ancien président s’est un peu élargi. Frustré d’avoir été contraint de ne pas se représenter à l’issue de son mandat, humilié d’avoir pour successeur un homme qui l’a trahi, voilà sept ans qu’il prépare son retour au premier plan. De nouveau populaire, désormais député, il est à la fois héraut de la social-démocratie et héros de l’union de la gauche. Suffisant pour faire oublier le passé ?
Les chefs de parti
Olivier Faure
Impossible pour lui de ne pas y penser… Même s’il n’a pas été programmé pour la fonction suprême, et que son image n’est pas sortie grandie du feuilleton qui a écarté Bernard Cazeneuve, il est à la tête d’un PS qui a obtenu un score encourageant aux européennes et davantage de députés aux dernières législatives. Mais il est empêtré dans son mano en la mano avec Mélenchon que beaucoup ne sont pas prêts à lui pardonner.
Fabien Roussel
Le patron du PC, qui fait partie du quadrige de gauche de la NFP, se prépare à représenter les communistes, quelle que soit la décision de son parti, in fine, de courir sous ses propres couleurs ou non. Sa défaite aux législatives ne lui a rien fait perdre de sa verve et il cultive son look de communiste à visage humain amateur de barbecue et de vin rouge. S’il se présente, le camarade ne réalisera pas un score bouleversant mais prendra des voix…
Marine Tondelier
On n’imagine pas la femme à la veste verte passer son tour. Omniprésente ces derniers mois, elle est devenue une cliente rêvée des médias, toujours une formule cinglante à la bouche, le sourire en plus. Malgré le score piteux des écologistes aux européennes (qu’elle a réussi à faire oublier), les Verts ont avec elle une candidate toute prête pour défendre leurs couleurs, en espérant les raviver malgré les vents contraires.
Laurent Wauquiez
Normalien, agrégé, énarque, cette bête à concours a connu des hauts et des bas en politique. Malgré son impopularité, il s’applique à franchir pas à pas les marches qui le conduiront, pense-t-il, à l’Élysée. A la fois chef de parti et président de groupe, il tient toutes les ficelles à LR. La surprise Barnier a dérangé ses plans. Impossible de rester confortablement dans l’opposition. Le voilà même contraint de briguer un poste de ministre !
Les fringants
Gabriel Attal
Vorace au sourire d’ange, l’ex-premier ministre n’est pas habité par le doute. Il avance, avec d’autant plus d’allant que son élan été coupé deux fois, à l’Éducation puis à Matignon, le privant de bilan. C’est peut-être sa chance : difficile de le rendre responsable de résultats insuffisants. Populaire malgré Macron, à la tête du groupe le plus important de l’attelage au pouvoir, il va cultiver le « oui, mais ». Lequel a réussi à un certain VGE…
Gérald Darmanin
Il ne pense qu’à cela, et pas seulement en se rasant. Comme son modèle Nicolas Sarkozy, il fonce. Le ministère de l’Intérieur conduisant à tout à condition d’en sortir, il a hésité entre la prise de recul et la participation renouvelée au gouvernement, préférant cette dernière. Michel Barnier en décidera. Il tente en tout cas de contrer les ambitions de Gabriel Attal, nouant une alliance de revers avec Elisabeth Borne pour le contrôle du parti.
Raphael Glucksmann
Beaucoup de ses partisans aimeraient lui mettre un tigre dans son moteur. Déçus qu’il ne parvienne pas à empêcher le NFP de subir le joug de Jean-Luc Mélenchon, ils attendent que le candidat heureux des européennes incarne l’avenir social-démocrate. Il en a l’intention et prépare son retour, après une éclipse regrettée. Issu de la société civile, aura-t-il les nerfs et les moyens de damer le pion aux apparatchiks ?
François Ruffin
L’enfant terrible de la mouvance Mélenchon a pris son indépendance, et sur quel ton ! Reprochant à son ancien leader d’abandonner le social au profit d’un cynique communautarisme, il se veut le champion d’une gauche qui se préoccupe vraiment des « gens d’en bas »… Son talent et son culot lui font marquer des points. Mais il se retrouve entre deux chaises : le parti verrouillé des Insoumis et celui, sur occupé, des socialistes.
Les outsiders
Michel Barnier
Personne ne l’a vu arriver. Certes, il a 73 ans, fait remarquer lui-même qu’à son âge, on n’a plus d’ambition personnelle, et risque fort de manger son pain blanc à toute allure. L’enfer de Matignon, pour peu qu’on y reste assez longtemps pour prendre des mesures impopulaires, ne prédispose pas à traverser la Seine. Mais si par extraordinaire il réussissait dans un job impossible, il faudra compter avec lui. Il est en pleine forme…
`François Baroin
Éternel recours d’une droite à la recherche d’un leader populaire, le maire de Troyes conserve une allure juvénile. Reconverti confortablement dans le privé, il hésite à sortir de sa nouvelle vie pour replonger dans le chaudron du microcosme, remettant toujours au coup d’après son arrivée, décevant jusqu’à ses plus proches amis. Mais si tout le monde se met d’accord pour l’appeler après des querelles fratricides, il pourrait enfin se dévouer…
Yaël Braun-Pivet
La présidente de l’Assemblée nationale a réussi l’exploit de conserver le perchoir malgré la défaite de son camp. Beaucoup plus politique qu’elle n’en a l’air, elle n’exclut rien à l’avenir. Une des rares femmes à ce niveau de responsabilité, elle a su jouer de ses fonctions et de son charme pour séduire au-delà de son parti. Elle se veut rassembleuse, ouverte au dialogue. Si les néo-macronistes se dévoraient entre eux, elle serait encore là…
David Lisnard
À la tête de la puissante association des maires de France, le maire de Cannes est impatient d’appliquer toutes les recettes qu’il a concoctées pour la France. Ouvertement candidat aux plus hautes fonctions, il n’est pour l’instant pas dans les favoris de la course, manquant de notoriété et d’expérience gouvernementale. S’il devient ministre, il pourra sans doute déployer son savoir-faire. Restera à gagner une popularité absente pour l’heure.