Procès Le Pen : une victoire européenne de l’État de droit
Ils espéraient échapper à la Justice au nom d’arguties plus improbables les unes que les autres. Il n’en aura rien été. Détournement de fonds publics, la délinquance financière en bande organisée les aura perdus. Un verdict accablant qui résonne comme une victoire de l’État de droit. Et de l’Europe.

Ce 31 mars 2025 marque d’abord un aboutissement dans la longue marche pour la reconnaissance d’un État de droit impartial et universel. Impartial parce qu’il s’applique à tous, quel que soit le statut des prévenus dans la société. L’impunité des puissants par l’argent et par les électeurs a vécu. Le plaignant, en l’occurrence le Parlement européen et les citoyens contribuables de l’Union, sont reconnus victimes d’une machination visant à les voler.
Universel parce que ce qui prévaut ici a vocation à s’imposer ailleurs, partout. Le droit, comme d’autres « superstructures » idéologiques, n’anticipe pas. Il enregistre ce qui est acquis par consensus démocratique dans la société. Longue marche s’il en fut depuis les prémices de la guerre des Flandres à l’avènement d’une Cour pénale internationale (CPI), serait-elle encore contestée par certains États, en passant par la Révolution française, le Fidelio de Beethoven, la contribution de juristes allemands et de l’austro-américain Hans Kelsen ou l’apport des textes fondateurs de l’ONU et de l’UE. En résumé, Les Lumières européennes porteuses des plus hautes valeurs de l’humanité.
Sur le banc des accusés, les héritiers de Jean-Marie Le Pen et du Front National, sont défaits. Confondus dans une entreprise de corruption dont le préjudice est évalué à plusieurs millions d’euros. Tout indique que la principale des prévenus, la cheffe de gang, connaissait parfaitement les rouages qui, détournés de leur fonction – rémunérer les assistants des eurodéputés – devaient abonder les caisses noires de la PME lepéniste.
Pourquoi nous, clament-ils, alors que tous se sont livrés à ce genre de malversations ? Généralité abusive et temps révolu, car si d’autres formations ont été rattrapées par la patrouille et condamnées, c’est pour des faits remontant à plus d’un quart de siècle et pour un préjudice moindre. La comédie de la dédiabolisation est ébranlée et leur prétendue respectabilité est mise à mal.
Quant à l’argument selon lequel la souveraineté des électeurs l’emporterait sur l’État de droit, il est précisément celui des illibéraux, des dictateurs, des populistes, des fascistes d’hier ou d’aujourd’hui. À ce titre, d’autres qu’eux ont gravement dérapé, y compris des ministres en exercice, violant au passage un autre principe de l’État de droit, la séparation des pouvoirs pour revendiquer une clémence d’opportunité à la Justice. Les principes ne s’accommodent jamais des petits calculs électoraux, de la tactique et des combines.
Cette toile de fond est incontestable, serait-elle l’objet d’un appel au plan juridique. Bardella remplacera peut-être Le Pen en 2027. Les électeurs nationalistes péri-urbains et des campagnes n’abandonneront pas leurs idoles facilement, quand bien même ils en sont les victimes, mais le cordon sanitaire s’impose désormais avec plus de force encore, à tous les démocrates, comme un impératif aussi moral que politique. Un signe annonciateur inquiétant pour ceux qui, impliqués dans d’autres procès, voudraient croire à leur impunité de fonction. Poutine, Orban viennent déjà en renfort de leurs obligés, en attendant Néron, Vance et consorts. Comme une respiration démocratique, le fond de l’air devient moins suffocant, quand bien même serait-ce de courte durée.