Protectionnisme : un drôle d’âge d’or…

par Gilles Bridier |  publié le 03/04/2025

La mécanique de la hausse des droits de douane américains, présentée par Donald Trump, reste encore à expliciter. Une certitude: dans l’automobile et ailleurs, elle causera de graves difficultés.

Donald Trump signe un décret pour imposer des droits de douane réciproques sur de nombreux autres pays, à compter de minuit, le 3 avril 2025. (Photo Andrew Leyden / NurPhoto via AFP)

Donald Trump l’a confirmé : des droits de douane de 10% au moins, souvent beaucoup plus, seront appliqués sur une foultitude de produits importés, de 25% notamment sur toutes les automobiles fabriquées à l’étranger et vendues aux Etats-Unis. Dans une déclaration fleuve peu structurée, le président américain s’est surtout adressé à ses électeurs pour faire état de son engagement contre les « arnaqueurs étrangers qui ont détruit le rêve américain ». Comment ? En relevant les taxes à l’importation pour tous les pays fournisseurs, dans le cadre de « droits de douane réciproques ». Ces droits seront différenciés et correspondront généralement à la moitié des taxes appliquées par ces pays sur les produits américains, selon les calculs très incertains effectués par l’administration Trump.

Ainsi, concernant l’Union européenne accusée de taxer à 39% les importations provenant des Etats-Unis (un chiffre jugé farfelu par les spécialistes), les nouvelles taxes américaines sur les produits européens seront de 20%. Pour la Chine qui pratiquerait des droits de douane de 67%, le taux réciproque américain passera à 34%. Le Japon qui appliquerait des taxes de 46% subirait des droits de 24%… Globalement, tous les pays seront taxés à 10% au moins.

Tout cela pour mettre fin au « pillage » de l’économie américaine, pillage qui serait passé selon les propos de Donald Trump par des manipulations sur les monnaies jouant contre les Etats-Unis. Et de fustiger au passage les « médias menteurs » qui ont toujours eu tort sur les accords de libre-échange… comme si les médias en avaient eu l’initiative. Ah, la liberté de la presse…!

On comprend mal, à ce stade, comment s’articuleront ces différents droits de douane globaux avec le taux unique qui concernera les voitures importées. Mais de toute évidence, l’automobile tient une place particulière pour Donald Trump, qui va pénaliser les marques étrangères mais aussi les marques américaines fortement implantées au Canada et au Mexique. A l’exception des allemandes, les marques automobiles européennes ne sont pas les plus directement concernées, l’Europe n’ayant exporté aux Etats-Unis que 749.000 véhicules l’an dernier sur un marché de 16 millions de voitures neuves. On voit en vérité assez peu de Peugeot, de Renault ou de Fiat circuler de New-York à San Francisco… Leur maison mère Stellantis est plus concernée par les taxes qui vont toucher ses marques … américaines, car une partie des productions de Jeep, Chrysler, Dodge ou RAM vient d’usines mexicaines ou canadiennes. BMW, Mercedes et Porsche sont plus menacées, ainsi que Volkswagen.

La Chine, le Japon et la Corée du sud sont également dans le collimateur de Donald Trump qui a notamment pointé du doigt Toyota, bien que le constructeur japonais soit installé aux Etats-Unis depuis le milieu des années 80. Et même Ford comme GM, marques symboliques pour les Américains, vont devoir rapatrier des productions délocalisées de longue date hors des frontières si elles veulent échapper aux taxes.

C’est d’ailleurs l’objectif revendiqué par Donald Trump: revenir à « l’âge d’or de l’Amérique » en obligeant les entreprises à y ouvrir de nouvelles usines pour échapper à l’augmentation des droits de douane et être plus compétitives sur le marché américain. Le message serait passé : tous secteurs confondus, le président américain s’est glorifié d’avoir attiré, par sa stratégie des « tariffs », 6.000 milliards de dollars d’investissements.

Reste à voir comment cette nouvelle politique américaine va affecter l’ensemble de la planète. Et notamment dans l’automobile. Car pour les constructeurs chinois, japonais ou coréens qui vont voir se fermer les portes du marché américain, le salut sera dans la quête de nouveaux débouchés notamment en Europe. A ce titre et par un effet collatéral, les constructeurs européens vont malgré tout subir les conséquences des nouvelles taxes américaines.

Gilles Bridier