Qatar : quand le désert arrose l’Europe

par Pierre Feydel |  publié le 17/02/2024

L’émirat, pour améliorer son image en Occident, n’a jamais cessé de corrompre. 

Hubert Julien-Laferriere, à l'assemblee nationale, le parlement, les deputes - Photographie Magali Cohen / Hans Lucas

Le Qatar, petit émirat d’à peine la taille de la région parisienne, immensément riche de sa production de gaz, souvent accusé de financer le terrorisme islamique ,trouve toujours le moyen de faire parler de lui. En bien, lorsqu’il joue les intermédiaires pour tenter de sauver les otages israéliens aux mains du Hamas. En moins bien, lorsqu’il prend des participations dans toute l’industrie française, rachète des palaces ou s’empare du PSG, sous le regard bienveillant des autorités françaises. En franchement mal, lorsqu’il apparait dans de sordides affaires de corruption.

Cette fois, il s’agit d’un cas somme toute assez minable. À l’origine, l’enquête de « Forbidden stories », un consortium d’une trentaine de médias et d’une centaine de journalistes ayant pour objectif de dénoncer les manipulations diverses de l’opinion. En France, « Le Monde » et « Radio France » y sont associés.

En février 2023, ces journalistes d’investigation révèlent que Rachid M’barki, présentateur des journaux de la nuit sur BFM et de « Faites entrer l’accusé » sur RMC story, a relayé de fausses informations, sur le Sahara occidental qu’il qualifie de « Sahara marocain » ou sur les saisies des yachts des oligarques russes qu’il dénonce. BFM le licencie et porte plainte contre x pour corruption passive et abus de confiance.

Le journaliste pleurniche, hurle au lynchage médiatique, mais dénonce à son tour un lobbyiste qui lui aurait fourni des images, Jean-Pierre Duthion déjà mis en examen pour corruption à Paris. Il reconnaît d’ailleurs avoir reçu plusieurs enveloppes de six et huit mille euros pour ses services. Ce qui n’est pas beaucoup pour perdre son honneur.

Là où l’affaire se gâte, c’est lorsque Jean-Pierre Duthion, lobbyiste éminemment douteux, met en relation un député écologiste du Rhône, Hubert-Julien Laferrière, avec Nabil Ennasri, politologue. L’homme serait proche des Frères musulmans et servirait d’agent d’influence au Qatar. Avec Duthion, Ennasri va manipuler l’élu. Le député prend position publiquement contre les Émirats arabes unis, le grand rival de Doha dans la région.

Mieux, avant la coupe du monde de football au Qatar, il défend… « les progrès de l’émirat en matière de droits de travailleurs » alors que la presse mondiale fait état de très nombreux accident du travail et de formes d’esclavagisme. Le député écologiste va même jusqu’à minimiser le coût de la coupe de foot pour l’environnement.

L’enquête révèle que Ennasri le politologue recevait 30 000 euros par mois du Qatar. Quant au député du Rhône, il aurait perçu, lui, 5 000 euros par mois pour ses interventions. Ennasri est aujourd’hui en détention provisoire pour abus de confiance, corruption et trafic d’influence d’argent public, blanchiment de fraude fiscale. Le parquet national financier ne lâchera pas le député qui a quitté le groupe écologiste de l’Assemblée. Il plaide, avec peu de crédit,  la naïveté, en attendant d’être entendu par la Justice.

Cette histoire montre que ce sont toujours les gagne-petit qui se font prendre les premiers dans ce genre d’affaires. Quant à l’émirat, il considère que son influence internationale, son « soft-Power », passe par une stratégie permanente de corruption. Et ce n’est pas l’inculpation d’un journaliste et d’un député français, fétus de paille, qui pourrait mettre fin à la campagne globale du Qatar.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire