Quand Israël cherchait à museler la CPI
Récemment visé par une demande de mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale, Benjamin Netanyahou aurait mobilisé depuis plusieurs années ses services de renseignement pour tenter de faire pression sur elle.
Pendant neuf ans, le Gouvernement israélien a multiplié les pressions contre les membres de la Cour Pénale Internationale (CPI), un organe de l’ONU qu’Israël ne reconnaît pas, mais à laquelle l’Autorité Palestinienne est associée depuis qu’elle a adhéré en 2015au Statut de Rome, qui institue la CPI. L’affaire a été révélée par le quotidien de centre-gauche britannique The Guardian et par le média en ligne israélien 972.
Selon les deux médias, les opérations de déstabilisation, de pression, et d’écoutes téléphoniques israéliennes avaient pour objectif de dissuader les juges de la CPI d’enquêter sur les agissements de l’armée israélienne en Cisjordanie. Les Israéliens auraient notamment épluché les pièces à conviction rapportées par des ONG palestiniennes de défense des droits de l’Homme et utilisé ces informations pour tenter de nier la compétence de la Cour. Sans réussir à empêcher l’ouverture d’une enquête d’une enquête de la Cour en 2021 sur les opérations israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
L’attaque terroriste du Hamas contre des civils le 7 octobre et l’intervention de l’armée israélienne à Gaza qui a suivi ont permis au nouveau procureur, de la CPI le britannique Karim Khan, de relancer l’enquête sur cet espionnage. Ce dernier s’est même fendu d’un communiqué inhabituel, début mai, en rappelant que la CPI ne devait faire l’objet d’aucune pression. Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell l’a soutenu le 24 mai dernier, affirmant pour sa part que nul ne devait « intimider les juges ».
Un acteur central
Une personnalité ressort des révélations du Guardian et de 972 : celle de Yossi Cohen, ancien conseiller sécurité de Netanyahou et directeur du Mossad de 2016 à 2021. Alors que les priorités de son mandat étaient le dossier du nucléaire iranien et le renforcement des liens avec les Etats arabes, il aurait « personnellement dirigé les opérations » contre la CPI avec des méthodes très musclées. Après avoir multiplié sans succès les approches amicales auprès de Fatou Bensouda, la procureure en cheffe de la CPI de l’époque, il a changé de tactique en lui montrant des photos d’elle lors de ses déplacements privés. Avec à la clé un message menaçant : « Vous devriez nous aider et nous laisser prendre soin de vous. Vous ne voulez pas vous engager dans des choses qui pourraient compromettre votre sécurité ou celle de votre famille »…
Des agents ou ex-agents du Mossad ont confirmé que l’espionnage systématique de la CPI a continué après la nomination de Khan. Or, ces pressions pourraient tomber sous le coup de l’article 70 du Traité de Rome : les accusés risqueraient alors jusqu’à 5 ans de prison.