« Quand Jésus-Christ créa la coloniale… »
Chaque dimanche, le JDD conseille ses excellents livres de la semaine. Le dernier, signé Bernard Lugan, nostalgique du temps des colonies, fait l’éloge du duel et de l’honneur suprême. Il est publié par la Nouvelle Librairie, spécialiste des thèses identitaires…
Dans son édition de ce dimanche 3 décembre, le JDD a consacré toute une page au sujet du duel, pratique désuète où deux personnes réglaient leurs comptes, à l’épée ou au pistolet, souvent pour une question d’honneur. Un sujet qui tombe à pic puisqu’un film avec Roschdy Zem et Dora Tillier, « Une affaire d’honneur », sortira le 27 décembre prochain au cinéma.
Pour accompagner le sujet du week-end, l’hebdomadaire nous conseille la lecture intrigante de « Éloge du Duel, l’honneur au-dessus de la vie » de Bernard Lugan, aux éditions La Nouvelle Librairie. Une proposition culturelle à première vue innocente. Mais, en se plongeant en détail sur le nom avancé, on relève que Bernard Lugan n’est pas un inconnu et la Nouvelle Librairie une maison d’édition peu banale.
L’homme, d’abord. Bernard Lugan, 77 ans, cheveux courts, moustache à la gauloise, épingle à cravate et pochette de costume tweed en soie, l’historien spécialiste de l’Afrique, connu pour ses opinions d’extrême droite, a écrit de très nombreux ouvrages sur l’Afrique, ouvrages très controversés par les autres historiens. Par exemple, sur le génocide des Tutsis en 1994, quand il affirme que celui-ci n’était pas prémédité, contrairement au consensus général. Et aux faits. D’autres créations vantent « le temps béni des colonies » et développent une critique viscérale du monde contemporain. Ce qu’Antoine Compagnon* désignait comme un « antimoderne », en gros, le monde d’après 1789 !
En 1993, le professeur à l’Université de Lyon III déclenche une polémique lorsque, en plein cours, il fait chanter à ses étudiants la chanson « Quand Jésus-Christ créa la coloniale », le tout déguisé… en lancier du Bengale, une tenue héritée de son grand-oncle. Objet de menaces, il se fait protéger par des militants de l’Action Française.
Fidèle de l’Action française, il s’affirme comme un vrai monarchiste, rejetant la Révolution de 1789, mais louant sans réserve Charles Maurras. En 1968, déjà membre de l’Action française, il s’était lié avec le service d’ordre « musclé » qui organisait des opérations expéditives contre des groupes d’extrême gauche. Un lien jamais rompu puisqu’il était encore présent jusqu’en 2022 sur les universités d’été du mouvement.
Dans ses états de service, plutôt fournis, on notera son intégration au conseil scientifique du Front National de Jean-Marie le Pen ( fin des années 1980), la rédaction d’un agenda nationaliste à la gloire d’Hitler et Mussolini (1991) et son adhésion au « Conseil national de la résistance européenne », groupe des partisans de la théorie du Grand Remplacement.
On peut le retrouver sur Radio Courtoisie, Boulevard Voltaire, TV Liberté ou encore Livre Noir. Plus récemment, durant la présidentielle 2022, il a conseillé Éric Zemmour. Un homme donc d’une grande constance.
Quant à la maison d’édition que nous conseille le JDD pour égayer notre dimanche, la Nouvelle Librairie était, entre 1900 et 1925, le siège de la maison d’édition de l’Action Française avant de devenir celle du groupe néo-fasciste le Faisceau. Elle a eu notamment pour « patron », Georges Valois, acteur majeur des sphères cryptofascistes et nationalistes de l’entre-deux-guerres.
Parmi ses livres publiés en 2023, Allemagne, plaidoyer pour une droite identitaire (manifeste du parti d’extrême droite AFD), La tradition sans complexe, ou encore Cap sur la communauté, boussole pour les militants identitaires, de Marco Scatazri, militant et essayiste identitaire connu du monde italien. À noter aussi les ouvrages de Dominique Venner, qui s’est suicidé en 2013 au cœur de la cathédrale Notre-Dame pour protester contre la décadence de l’Occident.
Sans oublier la dernière publication, en mars dernier, de notre professeur lyonnais, Bernard Lugan : « On savait vivre au temps des colonies », sous-titré : « Nouvelles aventures incorrectes. À ne pas manquer…
Les recommandations du JDD, c’est tous les dimanches !
* Antoine Compagnon : Les Antimodernes. De Joseph de Maistre à Roland Barthes