Quand la Mafia gangrène l’économie italienne
Cri d’alarme de l’université catholique de Milan : la mafia et le crime organisé pénètrent – sans aucun effort! – un système… déjà largement corrompu
Cinq campus, 12 facultés, 40 000 étudiants : l’« Université catholique de Milan », est la plus importante institution d’enseignement supérieur confessionnelle en Europe. Depuis le 21 mars, c’est aussi est un lieu de réflexion privilégié sur le phénomène des nouvelles mafias, celles qui ont choisi de s’intégrer de plus en plus au tissu économique. Un courant mafieux difficile à combattre, sous-estimé par les pouvoirs publics italiens et que le Code pénal ne prend pas encore en compte.
Deux cents chercheurs, préfets, magistrats et banquiers se sont employés à analyser le problème sous les colonnes majestueuses de ce temple universitaire. Rarement diagnostic aura été aussi unanime. Lorsque sur le coup de 19 h. le « Procureur national antimafia et anti- terrorisme », Giovanni Melillo, d’une voix tranquille a eu ces mots : « Le crime organisé est maintenant une composante structurelle du tissu économique et social, et pas seulement en Italie », un lourd silence convaincu s’est installé dans la salle.
« Oui, on les arrête, on les emprisonne, mais lorsqu’ils sortent de taule, ils reprennent tranquillement leurs fonctions… »
Ernesto Savona, directeur de Transcrime
Tout le monde, en Italie, a depuis longtemps compris que « la répression ne suffit pas » même lorsqu’elle est particulièrement efficace, comme c’est le cas. Les Italiens ont mis au point des procédures antimafia à la fois législatives, pénales et policières qui ont impressionné les autorités d’autres pays. Ce système a permis de démanteler la Cosa nostra sicilienne, de rendre la vie difficile à la ‘Ndrangheta calabraise et à la Camorra napolitaine et à réduire à quelques unités le chiffre annuel des assassinats du crime organisé.
Reste que, en même temps, l’action pénale, seule, a peu d’effets susceptibles d’intimider à long terme les boss mafieux. Comme le note le juriste Ernesto Savona, directeur de Transcrime, l’unité de recherche de l’Université catholique, « oui, on les arrête, on les emprisonne, mais lorsqu’ils sortent de taule, ils reprennent tranquillement leurs fonctions, auréolés en plus du prestige d’avoir été des prisonniers de l’État ». Et d’avoir appris la bonne leçon : à savoir que l’investissement économique, c’est l’avenir.
Sur le million d’entreprises lombardes examinées à la loupe par Transcrime, pendant la période Covid, 30 % d’entre elles affichaient des statuts opaques. L’objet de l’entreprise, pas très clair leur permettait de recycler de l’argent sale, de pervertir le libre marché des denrées et des prix, de corrompre des professionnels et des intermédiaires en tous genres et enfin d’établir des rapports privilégiés avec les administrations locales et régionales, fort utiles par exemple pour échapper aux mesures de séquestration et confiscation des biens.
Mais la plus grosse avancée des travaux de la recherche de Transcrime aura été de confirmer que lorsqu’ils déboulent dans l’économie légale, les mafiosi découvrent avec plaisir que « le système » est déjà largement corrompu, expérimenté en matière de fraude fiscale et de détournement de fonds, et ouvert à la corruption. Ils se retrouvent donc en terrain de connaissance. Conclusion de Giovanni Melillo : « La voilà la principale difficulté que devront affronter les nouveaux combattants de la nouvelle mafia .