Quand la « Meloni » fait des grâces à Marine Le Pen

par Marcelle Padovani |  publié le 13/01/2024

Europe, immigration, staff, fait divers, et même son couple…tout prend l’eau pour la présidente du conseil italien. À l’heure des élections européennes, la voilà forcée d’envisager des alliances avec Marine Le Pen, devenue soudain tout à fait désirable. Amore…

La Première ministre italienne Giorgia Meloni à son arrivée au meeting politique organisé par les jeunes militants du parti de droite italien Fratelli d'Italia au château de Sant'Angelo à Rome -Photo Andreas SOLARO / AFP

C’est une succession de mauvais coups. D’abord, le Parlement refuse de ratifier le Mécanisme européen de stabilité. Du coup, l’Italie apparaît comme réticente au système qui doit aider les pays en difficulté de la zone euro. Puis, le compagnon de Giorgia Meloni courtise à la télé une avenante journaliste. Le couple finit par se séparer après dix ans de vie commune. Ensuite, malgré la promesse de réduire drastiquement l’immigration incontrôlée en Italie, il s’avère qu’elle double en un an. Enfin, pour couronner ces déboires politiques et personnels, un fait divers ridicule et dangereux : à la fête du Premier de l’an, un député ami intime de la Meloni, tire par jeu un coup de revolver blessant à la jambe un jeune homme de 31 ans.

En quinze mois d’exercice du pouvoir, « la Meloni » – comme on dit à Rome – ne cesse d’avaler des couleuvres. Mais elle sait rebondir. C’est un incroyable accès d’amabilité qu’elle réserve à Marine Le Pen, au cours de sa conférence de presse annuelle. Jusqu’ici, elle boudait ostensiblement la Française : refusant de la rencontrer officiellement lors de sa venue en Italie ; affichant une indifférence hautaine et un refus de toute forme de collaboration au niveau européen. Le 4 janvier, brusque changement de cap : Marine Le Pen fait « beaucoup de raisonnements intéressants », proclame Giorgia Meloni. L’ouverture est inédite, le clin d’œil appuyé, il s’agit bien d’une avance politique à la leader de l’extrême-droite française, elle-même en pleine opération de relooking. Dans quel but ?

Renforcer les troupes

Tout est lié aux élections de juin 2024, pense-t-on dans les rédactions italiennes. La « Meloni »  serait persuadée qu’à cette date un gouvernement des droites à Bruxelles devient possible. Avec les Populaires, les Libéraux et les Conservateurs ( dont elle est le chef de file). Mais à condition, bien sûr, de renforcer les troupes. En tout cas avec les lepénistes, ces sympathiques « patriotes » en pleine mutation pro européenne.

Sauf que si tel est son raisonnement cela ne suffira pas. La dirigeante italienne a mis de coté, un tout petit détail. À savoir qu’Emmanuel Macron n’acceptera jamais de marier, même à Bruxelles, les élus macroniens du groupe de l’Alliance des libéraux et des démocrates, avec des lepénistes. C’est tout, mais c’est décisif.

Reste une dernière hypothèse, beaucoup plus bassement politicienne. Et si le flirt avec Marine Le Pen n’était pour Giorgia Meloni qu’une initiative purement électoraliste à usage interne ? L’objectif : détacher la Française  de son allié italien Matteo Salvini, isoler ce dernier, et freiner en Italie son obstination à mettre des bâtons dans les roues de la Présidente du Conseil. Rien de dramatique, dira-t-on. Juste une petite manœuvre de déstabilisation entre « alliés » d’extrême-droite. 

Marcelle Padovani

Correspondante à Rome