Quand LFI nous oblige à défendre Hanouna
La honteuse affiche de LFI contre l’animateur populiste relève-t-elle d’une crasse ignorance ou bien d’un calcul cynique et antisémite ?

On n’ose imaginer que la chose ait été faite exprès. Pour appeler à sa manif contre l’extrême-droite du 22 mars prochain, LFI publie une affiche anti-Hanouna qui rappelle fâcheusement et clairement le style graphique employé par les nazis pour dénoncer la mythique « puissance juive » : un portrait grimaçant en noir et blanc qui accuse ses traits, entouré d’un clair-obscur menaçant. Écartons donc l’acte volontaire (l’affiche a été retirée devant le tollé qu’elle suscitait) et limitons-nous au constat : l’inculture historique et l’agressivité propagandiste sont telles à LFI qu’aucun responsable insoumis n’a pensé à renvoyer à leur table de travail les communicants imbéciles qui ont pondu cette affiche honteuse.
Il fallait déjà avoir une solide dose d’inconscience pour ériger le triste clown télévisuel en icone politique, serait-elle négative, ce qui est le meilleur moyen de doper encore son audience. Mais attaquer Hanouna avec les moyens des propagandistes nazis, outre la nature infame du procédé, c’est poser sur sa tête une auréole de martyr dont il n’aurait pas osé rêver.
Il est vrai que ce dérapage dans la fange attire l’attention sur le défilé LFI du 22 mars, qui risquait de passer sous les radars, tant la cote de Mélenchon s’est effondrée depuis ses embardées consécutives au massacre du 7 octobre. Là aussi, on n’ose croire que ce soit le but véritable de l’opération, même si une vidéo de Louis Boyard qu’on peut retrouver facilement livre le mode d’emploi de ce type de provocation, destinée à susciter un buzz médiatique qui assure le succès d’une manifestation. L’antisémitisme ? Un piment utile pour capter l’attention des foules. Voilà où nous en sommes.
La référence au 22 mars, gimmick justifiant la manifestation, appelle un autre souvenir. Ce jour-là – en 1968 – les étudiants activistes de Nanterre créent un mouvement contestataire visant à réunir les différents groupes d’extrême-gauche qui militent au sein de l’université. Son animateur ? Un certain Daniel Cohn-Bendit, qui deviendra l’un des leaders de la révolte de mai 68.
Peu après, Georges Marchais, secrétaire général d’un PCF qui craint d’être débordé sur sa gauche, dénonce les faits et gestes de Cohn-Bendit et le qualifie « d’anarchiste allemand » (quoique né en France de parents juifs, Dany est effectivement de nationalité allemande à l’époque). Aussitôt, réagissant à cette stigmatisation aux relents xénophobes, voire antisémites, les étudiants de 68 défilent en scandant un slogan resté dans les mémoires : « Nous sommes tous des juifs allemands ! » Amère comparaison : à cette époque, la gauche radicale avait encore le réflexe de dénoncer sans hésiter l’antisémitisme.