Que les Lumière soient !

par Thierry Gandillot |  publié le 21/03/2025

Il y a huit ans, Thierry Frémaux, le grand manitou du Festival de Cannes avait donné à voir une première sélection de films des frères Lumière : « Lumière, l’aventure commence !». Carton en salles. Aujourd’hui, à l’occasion des 130 ans de l’invention de Louis et Auguste, l’aventure continue !

"Lumière, l'aventure continue !", de Thierry Frémaux

Cette fois, avec « Lumière, l’aventure continue ! », sorti le 19 mars, Frémaux exhume pas moins de 120 films en noir et blanc bien sûr, de 50 secondes, pour l’essentiel inédits et entièrement restaurés. Il a pioché dans les 1 500 films tournés en dix ans, de 1895 à 1905, par les deux frères et, surtout, leurs opérateurs, envoyés spéciaux à travers la planète. La bande son est assurée par Gabriel Fauré, ce qui est un choix des plus judicieux. C’est un émerveillement de tous les instants. On plaidera pour que ce documentaire hors du commun, d’un intérêt à la fois artistique et historique, soit projeté dans les écoles.

 Le 28 décembre 1895, les Lumière organisent une première séance publique dans le Salon Indien du Grand Café de Paris. Trente-trois personnes seulement répondent à l’appel, dont deux journalistes. Mais le bouche à oreille enfle, et bientôt on fait la queue devant le 14, boulevard des Capucines. La file d’attente s’allonge jusqu’à la rue Caumartin et les séances dont le rythme est doublé, se jouent à guichet fermé.

Le catalogue n’est alors pas très fourni : La sortie de l’usine Lumière, La place des Cordeliers, Le Débarquement du Congrès de la photographie à Lyon, Le repas de bébé, La pêche aux poissons, L’Arroseur arrosé... C’est bien, on applaudit, mais c’est peu.

Alors, dès janvier 1896, les Lumière multiplient les tournages. Leurs opérateurs posent leurs caméras en France, à Paris, Lyon, Toulouse, Toulon, Chamonix …  Puis, on élargit, et c’est l’Amérique, l’Indochine, l’Algérie, l’Afrique noire, le Japon … Les sujets sont infinis – militaires, gymnastes, lavandières, cultivateurs de riz, policiers, menuisiers, pêcheurs, promeneurs. Ces pionniers du reportage au long cours s’appellent Gabriel Veyre, Alexandre Promio, Charles Moisson, Constant Girel. Ils rapportent des images, impeccablement cadrées, qui feront, elles aussi, ensuite, le tour du monde.

Surtout, les Lumière posent les bases d’une grammaire cinématographique : cadrages, travellings, profondeur de champ, gros plans, ralentis, trucages ou encore, making-of. Ils tracent la voie pour tous les réalisateurs à venir, de Griffith à Ford, de Rossellini à Godard. Ainsi, une charge de cavalerie d’anthologie commence par un plan large, au loin, pour arriver devant la caméra qu’elle dépasse. « Lumière et ses opérateurs, commente Frémaux, se posent des questions de mise en scène, celles de milliers de réalisateurs qui viendront après eux. : le rôle de la caméra, la force d’un sujet, l’idée d’un mouvement. Il envoie ses opérateurs filmer ce qui ne leur ressemble pas. Le cinéma au fond n’a jamais fait que cela. Il me dit qui je suis et il me dit qui sont les autres. »

Un conseil : surtout, ne partez pas pendant le générique ! Francis Ford Coppola vous a réservé une petite surprise.

« Lumière, l’aventure continue !» de Thierry Frémaux, documentaire de 1h44 en noir et blanc

Thierry Gandillot

Chroniqueur cinéma culture