Quelle gauche après la Nupes ?

par Laurent Joffrin |  publié le 09/07/2023

La crise des cités qui a secoué le pays a aussi accentué la divergence entre LFI et le reste de la gauche. Il faut donc imaginer une autre union

Laurent Joffrin

La Nupes peut-elle encore unir la gauche ? Chacun en doute de plus en plus. Les émeutes consécutives à la mort du jeune Nahel M. ont encore creusé, cette fois de manière spectaculaire, le fossé entre gauche radicale et gauche réformiste. Au milieu d’un drame national, LFI a refusé de condamner les violences tandis que socialistes, écologistes et communistes appelaient clairement au retour au calme.

Cette divergence essentielle a accentué les tendances déjà à l’œuvre au sein de l’opinion, qui se détache de plus en plus de LFI et espère la renaissance d’une gauche rationnelle. Si bien que la question se pose désormais: quelle pourrait être la configuration d’une autre union de la gauche, plus conforme à la réalité des rapports de force internes et plus à même de l’emporter dans un scrutin national ?

Les sondages réalisés à la suite de cette crise en dessinent le scénario, qu’on peut formuler de la manière suivante : dans un an, aux prochaines Européennes, quatre listes se présentent devant les électeurs ; les deux listes, socialiste et écologiste, obtiennent chacune environ 10 % des voix et celle de LFI légèrement moins ; les communistes rassemblent autour de 5 % des voix.

Du coup, le paysage politique change. Jean-Luc Mélenchon ne peut plus prétendre diriger, comme il le fait aujourd’hui, une coalition où il est nettement minoritaire. Et globalement, la gauche totalise plus de 30 % des voix. Dans ces conditions, les réformistes reprennent le dessus sur LFI : il faut renégocier les conditions de l’union, qui ne peut plus s’aligner sur les thèses radicales mais doit définir un nouveau compromis autour d’un programme crédible.

Si la gauche y parvient, elle peut espérer jouer de nouveau les premiers rôles : elle s’appuie sur un socle qui représente un tiers des électeurs, égal ou supérieur à celui du bloc des droites et de la coalition macronienne.

Encore faut-il que la gauche réformiste ait un programme. Elle ne peut pas se contenter de dire que Mélenchon a tort. Elle doit démontrer qu’elle a raison. Et pour ce faire, défendre une série de réformes profondes propres à relever les défis nouveaux lancés au pays : une mutation écologique dans la justice sociale, une réponse aux demandes des classes populaires en matière de pouvoir d’achat et de sécurité, une politique cohérente susceptible de réduire les fractures béantes apparues pendant les trois crises des gilets jaunes, des retraites et des quartiers populaires, ce qu’Emmanuel Macron ne parvient pas à faire.

Autrement dit, pour qu’il y ait une autre union de la gauche, il faut une autre gauche réformiste. Soyons francs : pour l’instant, on en est loin.

Laurent Joffrin