Questions brûlantes à Israël
La mort des otages israéliens tués par leur propre armée souligne, s’il en était besoin, l’ambiguïté des justifications de l’armée israélienne. S’agit-il seulement de réduire les capacités militaires du Hamas ? Ou bien d’infliger à la population de Gaza des pertes massives et dissuasives ?
Trois jeunes hommes s’échappent d’un immeuble, se montrent à découvert, torse nu, et agitent un drapeau blanc. Deux sont abattus par des soldats israéliens. Un autre se cache en panique ; il est débusqué et tué à son tour. Cruelle méprise : les victimes ne sont pas des miliciens du Hamas, mais des otages israéliens qui avaient cru recouvrer la liberté auprès des leurs. L’armée invoque une erreur dans l’application des règles d’engagement, le Premier ministre Netanyahou présente ses excuses, sans plus.
Un agent du quai d’Orsay présent à Gaza avait trouvé refuge dans l’appartement d’un collègue. Une bombe israélienne tombe sur l’immeuble, tuant une dizaine de personnes, dont cet employé du ministère des Affaires étrangères français. Paris exige une enquête, sans écho. Quatre morts parmi tant d’autres à Gaza, mais quatre morts dont l’identité suscite un scandale particulier. Indignées, les familles des otages demandent une négociation pour faire sortir les leurs ; Paris réclame une trêve « longue et durable ». Mais la guerre continue.
Ces dramatiques événements, au-delà du tragique paradoxe qui voit l’armée israélienne abattre ses propres ressortissants ou bien tuer l’agent d’un de ses alliés, posent de délicates questions à Israël. Officiellement, le gouvernement Netanyahou lancé dans l’assaut sur Gaza réplique légitimement à une attaque barbare. Comme les terroristes du Hamas se dissimulent parmi la population, l’armée se défend en expliquant que les pertes civiles à Gaza sont inévitables. Mais si ses soldats tirent à vue sur des hommes désarmés munis d’un drapeau blanc, qu’en est-il exactement des règles d’engagement qu’elle applique ? Et si des familles entières sont tuées dans une frappe aérienne soi-disant ciblée, dont un agent de la France, est-on vraiment sûr que l’immeuble visé abritait aussi des membres du Hamas ?
Israël a le droit de se défendre, on en convient ici depuis le début. Mais est-ce vraiment se défendre que de de tirer ainsi sur des civils inoffensifs, que de pulvériser des habitations civiles sous le prétexte que, peut-être, éventuellement, elles pourraient dissimuler des combattants ennemis ? Après plus d’un mois de combat, après d’innombrables frappes, des milliers de civils innocents sont morts sans que, de toute évidence, les objectifs initiaux de l’opération soient atteints. Bien au contraire, certains militaires israéliens prévoient une guerre qui pourrait encore durer des mois. Est-ce juste ? Est-ce logique ?
À moins, bien sûr, que le but poursuivi, dissimulé derrière le discours officiel, soit en fait de restaurer « la dissuasion » censée protéger Israël des attaques ennemies, en infligeant aux Palestiniens, confondus dans la même condamnation, hommes, femmes et enfants, des pertes terrorisantes qui les dissuadent à l’avenir de toute révolte contre le sort qui leur est fait. Voilà les questions légitimes, élémentaires, auxquelles les responsables israéliens devraient répondre, autrement que par des communiqués en langue de bois. D’autant qu’elles sont posées par ceux qui défendent, par ailleurs, le droit d’Israël à la sécurité à l’intérieur de frontières reconnues.