Qui a peur des BRICS?

par Jean-Paul de Gaudemar |  publié le 24/02/2024

11 pays associés pèsent en terme de PIB autant que le G7.  Ils ont un  intérêt commun :  concurrencer  l’Occident

Le 15e Sommet des BRICs qui s’est tenu, en août dernier,  à Johannesburg en Afrique du sud,  a certes provoqué de multiples commentaires. Mais il n’est pas sûr, à l’heure où se multiplient les conflits ouverts ou latents, qu’ait été souligné l’importance de cette nouvelle association de pays majeurs. D’autant qu’elle s’est renforcée  Aux cinq pays d’origine : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, s’en sont rajoutés six. Si bien que les BRICS pèsent plus du tiers du PIB mondial – une part équivalente à celle part du G7, disposent de plus de la moitié des réserves mondiales d’hydrocarbures et regroupent près de la moitié de l’humanité. Le G7 du « vieux monde développé », doit désormais compter avec ce G11.

Des trois grandes puissances originelles, Chine, Inde et Russie, occupaient l’ Asie. En Amérique, l’Argentine est venue renforcer le Brésil. Trois pays du Moyen-Orient, gros producteurs d’hydrocarbures se sont ajoutés, l’Iran, l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis. L’Afrique  a amené l’Éthiopie et de l’Égypte. La mer Rouge et le Golfe Persique sont donc bordés par des pays des BRICS,  comme la côte américaine de Atlantique sud.

Ces choix ont donc une dimension stratégique qui se mesure  en perspective de contrôle des grands axes d’échanges de la planète. Pour la Chine notamment, les « routes de la soie » restent le fondement de sa politique d’expansion mondiale, même si elle connait une conjoncture difficile, même si la scène africaine l’a surprise par plusieurs scénarios inattendus. L’Afrique paraît, par ailleurs, de plus en plus tentée par le modèle de développement autocratique que leur offrent la plupart des BRICS.

D’où la création de Nouvelle Banque de Développement (NDB) dont l’ancienne présidente du Brésil, Dilma Rousseff, a pris la présidence, avec comme objectif la « dédollarisation » de l’économie mondiale. Les accords bilatéraux, comme celui signé en mars 2023 entre le Brésil et la Chine pour réaliser leurs transactions dans leurs propres monnaies (plus de 20 milliards par an) préfigurent cette stratégie

Les BRICS sont certes encore incapables de rivaliser avec les  institutions multilatérales comme la Banque Mondiale et le FMI. Pourtant avec la NDB et le Fonds de réserve monétaire d’urgence (DRC) – dont la Chine représente 40% des parts – il se dotent d’outils comparables. . Et si les 33 milliards de dollars prêtés par la NDB depuis sa création en 2014 pèsent encore peu par rapport aux 78 milliards accordés en seulement 2022 seulement par la Banque Mondiale, ils représentent un premier pas.

Le Sommet des BRICS de Johannesburg marque une étape dans la construction d’un nouvel ordre mondial. On peut voir ce nouvel édifice comme fait de bric (!) et de broc, et doté, armé d’ outils économiques encore faibles et sans outil de défense collective. Mais son renforcement récent va lui donne une épaisseur politique et économique qui pourrait en faire un nouvel acteur décisif. Se berner serait se bercer d’une grave illusion stratégique.

Jean-Paul de Gaudemar

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