Relire Mendès France

par Bernard Attali |  publié le 21/10/2023

Le 4 octobre dernier un colloque a permis de sortir des archives un cours de Pierre Mendès France devant les élèves de l’ENA en 1950. Consacré au financement de la reconstruction, ce cours est d’une étrange actualité

Certes, l’époque est différente : il s’agissait alors d’investir pour reconstruire un pays ruiné par la guerre (79 départements dévastés et plus de 2 millions de bâtiments à reconstruire ou à rénover). Qui va payer ? Cette problématique du moment fait alors écho au gigantesque besoin d’investissement auquel le pays doit aujourd’hui faire face. Ne serait-ce que pour financer la nécessaire transition énergétique : 33 Md par an d’argent public selon le dernier rapport Pisani Ferry.

Que disait PMF ? [1]« On ne peut pas abandonner à la seule initiative privée le choix de faire les choix les plus importants… C’est une question politique de savoir si l’on veut – et jusqu’à quel niveau – soit développer les satisfactions immédiates et sacrifier en conséquence l’avenir soit, au contraire ,œuvrer en faveur d’avantages au futur qui résulteront à terme du montant des investissements présents ».

Ce faisant PMF posait deux questions très actuelles : comment faire en sorte que l’investissement nécessaire pour préparer l’avenir ne soit pas sacrifié du fait des urgences et du court terme ? Au moment où l’épargne des Français se rue sur les produits à court terme, cela mérite réflexion.

Même chose pour la répartition de l’effort. Quand on ne fait rien, ce sont toujours les plus faibles qui trinquent. Et parfois même les classes moyennes. Sur ce dernier point, PMF ne pouvait prôner une politique défavorable aux plus démunis. Et comme il savait aussi que la pression fiscale globale a ses limites, il suggérait un effort des plus nantis à l’intérieur d’une enveloppe fiscale donnée.

Le rapport Pisani Ferry conclut de la même manière même si cette partie-là de son travail a été reçue dans un grand silence. À méditer par tous ceux qui, aujourd’hui, refusent de repenser notre système fiscal dont l’injustice et la vétusté ne sont plus à démontrer.

Mendès France ne fut guère populaire. Mais il était courageux, lui.


[1] Cf. le Monde du 20 octobre 2023

Bernard Attali

Editorialiste