Remaniement à la sauce politicienne
On les disait moribonds, les voilà ressuscités : les professionnels de la politique qui entrent au gouvernement reprennent les rênes à la société civile. Mais réduits au seul groupe Renaissance, pas de quoi changer la donne
Exit la société civile. Théorisé avec le « En même temps » inventé par Emmanuel Macron pour faire le hold-up du siècle lors de la présidentielle de 2017 – le concept selon lequel pas besoin de faire ses armes en politique pour être ministre d’un gouvernement – a pris avec le remaniement un sérieux coup de canif.
Souvenez-vous. Il s’agissait alors de mettre un terme à la politique politicienne que représentaient dans l’esprit de la Macronie les politiciens de carrière qu’ils soient de gauche comme de droite. Ceux-là, nous disait-on alors, incarnaient l’Ancien Monde, davantage mobilisés à faire fructifier leurs intérêts personnels qu’à mener à bien leurs missions. En mettant fin au clivage droite gauche, les progressistes d’En Marche allaient casser la baraque.
Pour finir de discréditer la classe politique traditionnelle, l’édifice reposait alors sur le recrutement de personnalités issues de la société civile.
Las ! Voici que six années plus tard, ce sont aujourd’hui ces mêmes personnalités qui quittent le gouvernement. Le couperet est tombé : trop ternes, pas assez incisives, peu professionnelles, elles n’impriment pas, ni pour faire avancer leurs dossiers ni pour délivrer des messages forts dans les médias.
La principale cible est Pap Ndiaye. Il était la surprise du gouvernement précédent, celui qu’Emmanuel Macron avait choisi pour ses qualités intellectuelles exceptionnelles. Normalien, agrégé d’histoire, Directeur du Musée de l’histoire de l’immigration, il offre le double avantage d’être un puits de culture et de connaître de l’intérieur les rouages de l’Éducation nationale.
Un profil original, puissant et sensible que la droite n’a pas manqué de vilipender. Quatorze mois plus tard, le voici remercié, car considéré comme sans expérience administrative ni politique.
C’est à Gabriel Attal, 34 ans, que revient la tâche délicate de le remplacer. On nous rappelle qu’il connaît la rue de Grenelle pour y avoir mis en place le Service National Universel quand il était tout jeune Secrétaire d’État. La vérité est qu’élu deux fois député, ce proche d’Emmanuel Macron a gagné ses galons d’homme politique pendant les quasi deux années où nommé porte-parole il a délivré sans rechigner les messages contradictoires du gouvernement en pleine crise du Covid.
Il quitte le ministère du Budget à point nommé juste avant la bataille budgétaire qui s’annonce sanglante à la rentrée, laissant au Bordelais Thomas Cazenave le soin de l’affronter.
Exit donc Pap Ndiaye de l’Éducation nationale, mais aussi François Braun, médecin urgentiste de profession qui avait été propulsé ministre de la Santé ; Jean-Christophe Combes, l’ex-directeur de la Croix-Rouge aux Solidarités ; Olivier Klein chef d’entreprise au Logement… Et bien sûr Marlène Schiappa, la groupie macroniste, exfiltrée pour raison d’insoutenable légèreté et de scandale du Fonds Marianne.
Et revoilà donc nos hommes politiques ! Ils seraient devenus experts, avec des relais à l’Assemblée nationale, aptes à piloter les dossiers et capables de les raconter. En un mot, ministres. Eux pourraient nous sauver.
L’ennui c’est qu’ils sont issus du parti Renaissance ou de son allié du Modem. Un noyau de députés plutôt jeunes et qui manquent parfois d’expérience.
On n’attendait pas Aurélien Rousseau, ex-Directeur de cabinet d’Elisabeth Borne à Matignon, légitime en réalité au Ministère de la santé pour avoir géré toute la crise du Covid à la tête de l’Agence Régionale de Santé (ARS) d’Île-de-France. Ni Aurore Bergé qui, à force de réclamer, a fini par récupérer le ministère des Solidarités tandis que Philippe Vigier, député Modem d’Eure et Loire, reprend l’Outremer.
La nomination la plus intéressante est peut-être celle de Sabrina Agresti-Roubache. Députée Renaissance des Bouches du Rhône, elle connaît Marseille comme sa poche où elle dialogue souvent avec les mères des jeunes victimes de la guerre des gangs. Nommée ministre de la Ville, elle devra tirer les leçons des émeutes. À suivre…