Remaniement : le long accouchement d’une souris
Un mois d’attente pour des changements mineurs : pourquoi une telle hésitation de l’exécutif pour un enjeu aussi ténu ? Une seule leçon : la disparition quasi totale de l’aile gauche de la macronie
Imaginons : un président de gauche et son Premier ministre mettent un mois à composer leur gouvernement, record largement battu dans la Vème République. Un mois d’atermoiements, de rumeurs et d’attentisme, pour déboucher sur une crise interne à la majorité en raison des vapeurs de François Bayrou, et sur la nomination, pour l’essentiel, d’une poignée d’illustres inconnus qui remplace une poignée d’inconnus illustres. On entend d’ici les grandes orgues de l’indignation, les philippiques sur « l’amateurisme », la dénonciation de « l’incapacité de trancher », etc. Rien de tout cela : une indulgence médiatique anesthésiante et dans l’opinion, une massive indifférence à l’égard de ce feuilleton sans relief ni enjeu.
Fait majeur dans ce remaniement mineur : Nicole Belloubet, ancienne socialiste qui avait tourné en ridicule les projets macroniens sur la restauration de l’autorité et l’imposition de l’uniforme à l’école, devra maintenant les mener à bien. Elle remplace une Amélie Oudéa-Castera égarée rue de Grenelle, auteure, quoique championne de tennis, d’un nombre record de doubles fautes politiques.
Pour le reste, une panoplie de seconds couteaux en remplace une autre aux Transports, à la Santé ou au Logement, avec, respectivement, Patrice Vergriete, Frédéric Valletoux et Guillaume Kasbarian. Le dernier nommé mérite une mention : il se présente volontiers comme un libéral assumé, ce qui inquiète fort les responsables de son secteur. Connu comme le principal défenseur d’une loi « anti-squat », il devra notamment statuer sur le sort de la loi SRU, qui oblige les communes à accueillir sur leur sol un quart de logements sociaux et que le Premier ministre a mise dans on viseur. Inquiétant message…
Dernière remarque : il ne fait pas bon, en macronie, critiquer les décisions du chef, même discrètement. Les derniers survivants de « l’aile gauche » de la majorité, déjà réduite à l’état de moignon, ont cette fois totalement disparu du paysage gouvernemental. Ils avaient timidement fait part de leurs états d’âme au moment du vote de la loi immigration, dans sa version revue et corrigée par la droite parlementaire. C’était encore trop : les voilà rejetés dans les ténèbres extérieures.
Avec la nomination de Rachida Dati, le retrait de Bayrou et l’élimination des derniers frondeurs, il y a là un projet politique : la reconstitution d’une sorte d’UMP qui marierait le centre-droit et la droite, à l’image de ce qu’avait fait Chirac en son temps et que Bayrou, déjà, avait récusé. Au milieu de la confusion ambiante, des virevoltes et des méandres, voilà au moins un élément de clarté.