« Résilience »

par Yoann Taieb |  publié le 21/10/2023

Novlangue. De Newspeak, George Orwell, « 1984 ». Langage convenu et rigide destiné à dénaturer la réalité

Le mot est apparu lors de la vague d’attentats de 2015. Entre Charlie Hebdo, l’Hypercasher ou le Bataclan, une attitude était recommandée : la résilience. Résilience face à la violence et à la barbarie. Un mot devenu mantra lors de la crise du covid, en mars 2020 puisque le président Macron l’a utilisé pour expliquer aux Français qu’ils allaient devoir faire preuve de « résilience » face à la pandémie. Durant sa campagne présidentielle de 2022, il a enfoncé le clou en appelant les citoyens à, toujours, faire preuve de résilience.

Initialement, la résilience était définie de manière spécifique en tant que la capacité d’un matériau à maintenir son intégrité face aux impacts. Cette notion revêtait une importance cruciale en physique des matériaux, notamment dans la conception des structures de véhicules tels que les automobiles et les avions. Il y a cinquante ans, c’était à peu près la seule signification du terme, connue principalement par les professionnels de l’industrie en France. Le concept a été popularisé par le médecin, neuropsychiatre et psychanalyste, Boris Cyrulnik, qui la définit comme la capacité à surmonter un choc traumatique.

À l’Assemblée nationale, début 2022, deux députés, Alexandre Freschi et Thomas Gassilloud, ont conduit une mission d’information dont le rapport a été publié le 23 février, un jour avant le début de l’invasion russe en Ukraine. Il y était écrit que des efforts étaient en cours pour élaborer une « stratégie de résilience ». Cette stratégie vise à développer des actions publiques qui reposent sur une continuité entre les collectivités locales, les acteurs de la société civile, la participation citoyenne et l’État.

Les autres ministres s’emparent aussi du mot : « résilience » énergétique lorsqu’il s’agit de faire face au manque d’approvisionnement en gaz et électricité, résilience de l’agriculture face aux nouveaux modèles agricoles, résilience des fonctionnaires, résilience partout. Mais ne serait-il pas plus simple de parler de résistance, stoïcisme ou solidité dans l’adversité ? Sauf que la novlangue politique s’est empressée d’adopter le mot magique, mais fourre-tout de « résilience ».

Yoann Taieb