Retailleau, le doute…

par Valérie Lecasble |  publié le 21/03/2025

Fort de son ascension fulgurante dans l’opinion, il a fait irruption à la une des journaux jusqu’à devenir présidentiable. Mais la complexité du dossier algérien et la détermination de Laurent Wauquiez à remporter face à lui à la présidence de LR, font douter de son succès.

Bruno Retailleau, à Nantes le 10 janvier 2025. Le ministre de l'Intérieur a rappelé sa volonté de lutter contre le narcotrafic et l'immigration. Durant sa visite, il est revenu sur les tensions entre la France et l'Algérie. (Photo Estelle Ruiz / Hans Lucas via AFP)

Depuis qu’il a été nommé ministre de l’Intérieur, il y a tout juste six mois, Bruno Retailleau fait la quasi-unanimité en sa faveur. Sans cesse à la une des journaux, qui saluent sa soudaine popularité, rien ne paraît lui résister. Voilà celui qui va enfin donner aux Français la sécurité qu’ils réclament, grâce à sa lutte énergique contre la délinquance, l’immigration, et le narcotrafic ! S’il séduit la droite, il n’est pas vraiment rejeté à gauche. Il se met en piste pour défier Laurent Wauquiez à la présidence de LR où il espère devenir le nouveau présidentiable de la droite. L’ascension est fulgurante.

Depuis quelques jours pourtant une petite musique s’installe qui jette le doute sur la pertinence de son ambition. Bruno Retailleau a des convictions fortes dont la question de l’Algérie est un point de fixation. Il n’a jamais caché faire partie de ceux qui regrettent la signature en 1962 des accords d’Évian, actant l’indépendance de la principale colonie française. Depuis, il se convainc que les Algériens sont au cœur des problèmes que pose l’immigration à la France. Ne sont-ils pas la nationalité la plus nombreuse parmi ceux qui occupent les centres de rétention administrative (CRA) ?

Quand le meurtrier algérien de Mulhouse se révèle être sous le coup d’une OQTF non-exécutée, il tient enfin l’occasion de bouter hors de France ceux qu’il considère être de dangereux délinquants. Mais la partie n’est pas aisée. Les relations avec l’Algérie sont devenues exécrables depuis qu’Emmanuel Macron a déclaré que le Sahara occidental était marocain. L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal en fait les frais, qui est jeté en prison en Algérie pour la même raison. Et lorsque le ministre de l’Intérieur tente de renvoyer chez eux plusieurs ressortissants algériens sous le coup d’une OQTF, il se fait opposer une fin de non-recevoir.

C’est qu’à Alger, les autorités n’acceptent qu’un seul interlocuteur, Emmanuel Macron, dont ils espèrent qu’il reculera sur le Sahara occidental, lui qui est aussi le seul à détenir l’autorité nécessaire s’il devait remettre en cause, comme certains de ses ministres le réclament, l’accord de 1968 qui lie l’Algérie et la France. Or, dans une approche plus globale où il inclut le ressenti de la nombreuse population algérienne qui vit en France, le Président de la République ne souhaite pas s’y attaquer. Dans un rendez-vous la semaine dernière avec Bruno Retailleau que Carole Barjon a détaillé dans nos colonnes, il se range certes à la recommandation de Bruno Retailleau d’entamer un bras de fer avec Alger mais sous la forme d’une riposte graduée, plus prudente.

La requête du parquet de dix années de prison pour Boualem Sansal est un désaveu cinglant de la politique menée. Afin d’obtenir pour l’écrivain un laisser-passer consulaire, il devient urgent de faire retomber le soufflé. Et de … renouer le dialogue entre Paris et Alger.

Bref, en montrant les gros bras, Bruno Retailleau a provoqué un imbroglio qui le dépasse et montre son… impuissance. Car pour un motif somme toute subalterne dans les relations internationales – contraindre Alger à accepter le retour de ses ressortissants – il a provoqué une crise diplomatique majeure entre la France et l’Algérie.

Pendant ce temps, loin des caméras et des plateaux de télévision, Laurent Wauquiez fait le tour de France pour faire signer des cartes à de nouveaux adhérents LR qui le soutiennent dans la course à la présidence de son parti. Le nombre de ses partisans atteindrait ainsi 6 000 quand celui de Retailleau se limiterait à …. 2 000.

Porté par son succès dans l’opinion et les media, Bruno Retailleau a-t-il pêché par excès de confiance ? « Il a seulement tenu ferme sur ses convictions anciennes et qu’il ne reniera pas », dit l’une de ses connaissances. N’empêche, celui qui a mis sa démission dans la balance risque dans cette histoire d’y laisser son crédit, au moment où le Rassemblement National ne cesse de l’accuser de ne pas pouvoir mettre ses promesses à exécution.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique