Retraites : la bonne solution de la CFDT

par Gilles Bridier |  publié le 25/03/2025

Si les entreprises maintenaient les salariés âgés dans l’emploi au lieu de s’en séparer précocement, les caisses de retraite ne seraient pas en difficulté.

Des manifestants agés du syndicat CFDT, Confédération française démocratique du travail, lors d'une manifestation intersyndicale, contre la réforme des retraites. 2023-10-13. (Photo Xose Bouzas / Hans Lucas via AFP)

Le travail des seniors : telle est la clé qui pourrait débloquer le débat sur les retraites, plutôt que l’éternelle question de l’âge pivot à 64 ans. La CFDT le martèle depuis des lustres. Aujourd’hui, après que FO et la CGT ont claqué la porte du conclave initié par François Bayrou, le syndicat réformiste va pouvoir pousser ses arguments face au patronat et notamment au Medef, impliqué au premier chef dans la perte d’emploi anticipée des salariés en fin de carrière.

Pour la CFDT, la question du déficit des retraites du secteur privé ne se poserait plus si les salariés en France pouvaient rester en emploi aussi longtemps que leurs homologues européens, et en tout cas jusqu’à 62 ans. Car pas question pour la CFDT de réclamer un retour à la retraite à 60 ans, qui aggraverait le déficit du système déjà menacé d’un trou de 15 milliards d’euros dans dix ans. Marylise Léon, à la tête du syndicat, revendique réalisme et pragmatisme pour sauver le système par répartition qui, sans rééquilibrage, serait condamné. Mais l’âge légal de départ en retraite n’est pas la seule variable d’ajustement pour y parvenir alors que tant de salariés seniors quittent le monde du travail même avant d’y parvenir. Et à ce stade, les stratégies en ressources humaines des entreprises sont interpellées.

Comment expliquer qu’en 2023, selon la direction des statistiques du ministère du Travail (Dares), le taux d’emploi des seniors de 55 à 64 ans ne dépasse pas 58,4% en France, contre 78% en Suède, 74,6% en Allemagne? Le taux français se situe dix points en dessous de la moyenne de l’Union, derrière le Portugal et l’Espagne et au 19e rang des 27 membres. Il ne s’agit pas d’évacuer les questions de pénibilité ni d’usure au travail, mais elles se posent de la même façon au Danemark, en République tchèque ou aux Pays-Bas où le taux d’emploi des seniors dépasse 74%. Certes, l’âge légal de la retraite et la durée de cotisation sont en général supérieurs dans ces pays aux pratiques en cours en France. Mais des solutions y ont émergé sans qu’on puisse dire que les seniors y soient plus maltraités qu’en France.

Pourquoi, dans ces conditions, ne pas favoriser le maintien en poste des salariés français plus longtemps dans l’emploi, sans qu’il soit pour autant nécessaire de repousser l’âge légal de la retraite? Tout en réintroduisant les mesures de la réforme Touraine sur les départs précoces en cas de pénibilité. Rappelons qu’aujourd’hui, l’âge moyen de départ tourne autour de 63 ans, selon la CNAV, ce qui tendrait à relativiser le tumulte autour du sujet.

Encore faudrait-il que nombre d’entreprises perdent le réflexe de pousser les salariés les plus âgés hors les murs. On note des améliorations par rapport à 2010 (réforme Woerth) où le taux d’emploi des seniors ne dépassait pas 41%, et 2015 où il n’était encore que de 51% avant que la réforme Touraine sur la durée de cotisation produise ses effets. Mais si la Dares note une baisse du taux de chômage jusqu’à 55 ans, elle relève la rapide dégradation entre 56 et 59 ans, et le taux d’emploi n’est plus que de 30% à 62 ans. C’est sur cette fin de carrière que des marges de manoeuvre existent pour qu’un plus grand nombre de seniors continuent de cotiser, contribuant (avec leurs employeurs) à alimenter les caisses de retraite. Et à enrayer le déficit.

Il en va ici de la responsabilité des entreprises qui n’ont pas forcément besoin d’un CDI Senior spécifique – avec des cotisations allégées – pour remplir leur fonction citoyenne, ou qui semblent abuser de la souplesse des ruptures conventionnelles (dites amiables, dont le nombre a augmenté de 60% en dix ans) pour gérer leurs ressources humaines.

Gilles Bridier