RN – Coordination rurale : l’extrême-droite aux champs

par Valérie Lecasble |  publié le 27/02/2024

Le syndicat agricole,  très actif dans l’accueil houleux réservé à Emmanuel Macron, tient, comme Le RN, un discours populiste et eurosceptique. Entre les deux, les passerelles se multiplient

Jordan Bardella, déjeune en compagnie des leaders de la Coordination rurale, dont certains sympathisants ont voulu empêcher l’entrée du Président de la République au Salon de l’agriculture. D.R

« Des décideurs locaux de la Coordination rurale sont engagés de manière très officielle au Rassemblement National. » C’est l’explication choisie par Emmanuel Macron pour avoir été accueilli sous les huées au Salon de l’Agriculture. Avec leurs bonnets jaunes et leurs pancartes brandies en faveur d’un « Frexit », la Coordination rurale s’affirme comme apolitique, mais flirte en réalité avec l’extrême-droite.

Né en 1992, le syndicat agricole a choisi de s’émanciper de la puissante FNSEA lors de la réforme de la politique agricole commune (PAC), jugeant trop tiède la réaction du syndicat majoritaire pour protéger les revenus des agriculteurs. Il rassemble déjà les plus radicaux, ceux qui se dressent contre l’ouverture des marchés. Opposé à l’introduction de vaches polonaises en France, il défend des thèses anti-européennes, favorables à la fermeture des frontières.

Fondée dans le Gers, la Coordination rurale s’est développée dans le sud de la France, dans le Lot-et-Garonne, département atypique qui réunit tous les métiers de l’agriculture et se sent mal représenté au niveau national. Sa figure de proue, Serge Bousquet-Cassagnes, qui dirige Coordination rurale 47, mène la fronde à Rungis, en scandant son leitmotiv : « On n’a plus confiance en Macron, il se moque de nous ».

Ces radicalisés restent minoritaires dans un monde rural, jusqu’ici plus proche de la droite traditionnelle. Aux dernières élections, Marine Le Pen a recueilli 11 % des voix, en retrait de son score national. Mais la crise actuelle rebat les cartes, surtout pour les plus fragiles : « Le monde rural n’en peut tellement plus que des gens qui n’avaient jamais passé la rampe vont basculer pour le RN », commente un grand céréalier de la région parisienne.

Sur le terreau de la colère, la Coordination rurale gagne en influence. De dissidente, elle est devenue combattante. En ligne de mire, les élections syndicales de 2025 où elle rêve de défier la puissante FNSEA. Le RN compte bien l’aider. Au Salon de l’agriculture où Jordan Bardella a été accueilli à bras ouverts, on l’a vu déjeuner en compagnie de plusieurs responsables de la Coordination rurale, dont Véronique Le Floc’h, la présidente nationale du syndicat.

« La coordination rurale progresse là où le RN est implanté. Ils multiplient les passerelles », explique Frédéric Monteil, directeur de cabinet du Conseil Départemental des Pyrénées-Orientales qui connaît bien le sujet. Le 29 janvier dernier au Conseil communautaire de Perpignan, il a entendu Louis Alliot, l’ex-bras droit de Marine Le Pen, lancer : « La FNSEA mène depuis 30 ans l’agriculture droit dans le mur ».

Désormais, la Coordination rurale progresse dans l’Aude, le Gers, les Pyrénées Orientales. Elle monte aussi en puissance en Ile de France, là où le RN a réalisé ses meilleurs scores, dans les Yvelines et en Seine et Marne sous la houlette de Patrick Clogenson, vice-président coordination rurale 77.

De quoi renforcer les proches de Jordan Bardella qui, dans le monde rural, ont déjà rejoint le RN comme Grégoire de Fournas, vigneron du Médoc, auteur à l’Assemblée Nationale  du fameux « qu’ils retournent en Afrique », ou encore l’eurodéputée Mathilde Androuet et Philippe Olivier, beau-frère de Marine Le Pen.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique