RN : la garde noire 

par Yoann Taieb |  publié le 20/01/2024

Derrière Marine Le Pen et Jordan Bardella, voilà les lieutenants de la bande. Un petit groupe d’élus, moins connus mais virulents et actifs, qui  conduisent la marche vers le pouvoir du parti nationaliste d’extrême-droite

D.R LeJournal.info- Yann Le Bechec

David Rachline, le satrape

Militant pur jus du Front national, David Rachline dirige, depuis 2014, comme un satrape, la ville de Fréjus dont il est maire. Marine Le Pen a vite remarqué ce jeune homme chauve, rondouillard, plus malin que d’autres. Pour cette présidentielle, il travaille avec Frédéric Châtillon, ex-président du GUD proche de la candidate du RN. L’édile dirige la ville comme un potentat privilégiant favoritisme et concussion. Il réduit les subventions des centres sociaux, soutient les associations de pieds-noirs très présentes dans la région, fréquente et flatte les seigneurs du BTP, noyaute les conseils de quartier. Il décrète le couvre-feu pour les mineurs en 2019. 

Après presque dix ans de mandat et vingt ans de militantisme, David Rachline est un homme fort du parti. Mais il est aussi la preuve que le RN, qui se voulait différent du « système » est aussi capable des pires turpitudes. Hélas, il pourrait devenir ministre en cas de victoire de Marine Le Pen en 2027.

Julien Odoul, la girouette

Mise soignée et mine gracieuse, Julien Odoul a été mannequin, faisant, très déshabillé, la couverture du magazine gay « Têtu ». Preuve du libéralisme du RN en matière de mœurs, tolérance pas forcément très répandue dans les tréfonds du parti. Odoul vient de loin. En 2006, on le trouve au Parti socialiste soutenant Laurent Fabius face à Ségolène Royal. Puis il fait un faux pas à droite et rejoint le nouveau parti centriste de l’UDI. Enfin, il saute un vrai pas, s’encarte au Front national en 2014. Remarqué par Marine Le Pen, proche un temps de Florian Philippot, ex-numéro 2 depuis disgracié, il réussit à ne pas sortir du premier cercle. 

En 2022, il atteint son but, se faire élire député de l’Yonne. Mais, l’élu traine quelques casseroles. Le voilà touché par une multitude d’affaires : mis en examen pour recel de détournement de fonds publics dans l’affaire des assistants parlementaires du FN au Parlement européen, plainte de conseillers et d’anciens conseillers régionaux lui reprochant d’avoir employé une assistante fictive, condamnation à verser 100 000 euros à Tariq Ramadan pour l’avoir traité de « violeur ». Sous sa sémillante apparence, il cache une âme plus sombre. La preuve, une blague de très mauvais goût. Commentant le suicide par pendaison d’un agriculteur, il lâche : « la corde était-elle française ? » 

Laure Lavalette, une vraie dure

Marine Le Pen se méfie d’elle en raison de son ambition débordante et de ses engagements passés. Laure Lavalette, députée du Var, prétendante à la mairie de Toulon en 2026, vient de la droite la plus dure. Son père était membre du mouvement néo-fasciste Ordre nouveau et a rejoint le Front national très tôt. Son grand-père était militant des Croix-de-Feu. Laure profite de ses études pour s’engager au sein de la section bordelaise du Renouveau étudiant, mouvement nationaliste et identitaire en lien avec le GUD. À l’époque, elle fait partie de ces groupes qui adorent s’affronter physiquement avec les militants de gauche.

Sa carrière au FN aurait pu néanmoins mal tourner. En 1999, péché ultime, elle trahit le père Le Pen pour rejoindre Bruno Mégret. Éphémère trahison, elle retrouve le FN et entame une ascension étape par étape qui, en 2022, la conduit à être nommée porte-parole de Marine Le Pen. Très appréciée de Jordan Bardella, elle fait partie de ces députés à l’apparence aimables, mais virulents. Elle prône une vision restrictive de l’IVG, dénonce la « propagande LGBT » et lutte pour la « survie de notre civilisation ». 

Jean-Philippe Tanguy, le gaulliste égaré

Un atypique au RN, peu porté sur les questions identitaires ou d’immigration, mais plutôt sur l’économie. Jean-Philippe Tanguy tranche dans le paysage du parti d’extrême droite. Gaulliste affirmé, ancien membre du parti de Nicolas Dupont-Aignan. Une histoire justifie son engagement. Alors à Alstom, la présidente lui emprunte une clé USB lorsqu’elle la lui rend quelques semaines plus tard. Tanguy y découvre des accords confidentiels pour la vente de ce fleuron industriel. Les élites sont pour lui désormais des traitres. : « Ce qui m’a choqué, en rentrant dans leur monde, c’est leur indolence et même leur incompétence : j’ai compris que c’étaient eux les imposteurs. Pas en tant que personnes, mais en tant que classe », explique-t-il. 

En 2017, il s’engage pour Marine Le Pen dont il critiquait jusqu’alors le gaullisme feint, la ligne homophobe et les amalgames entre immigration et terrorisme. Cet immigré politique s’est intégré. Député de la Somme en 2022, il se distingue grâce à son expression théâtrale, son ton excessif. Et ses invectives grandiloquentes tel un « Silence pour la France ! » en plein tohu-bohu au cours d’un débat sur le pouvoir d’achat. En 2027, en cas de victoire, il pourrait prendre Bercy. 

Laurent Jacobelli, le présentateur

Transfuge lui aussi de debout la France, son ralliement à Marine Le Pen lui a permis d’être élu. Mais présent sur les plateaux de télévision, il commente à profusion, attaque tous azimuts. Une facilité face à la caméra pour Jacobelli venue de son passé professionnel. Il a commencé comme contrôleur de gestion chez TF1, est devenu directeur administratif et financier chez Coyote puis FremantleMedia, avant d’être nommé directeur des programmes de TV5 Monde, « la plus belle expérience de ma carrière » selon lui. Il constate l’impasse du positionnement du petit parti gaulliste, il songe rapidement à rejoindre Marine Le Pen qui ne cesse de le lui proposer. En 2022, il est élu député de Meurthe-et-Moselle. Cependant, il a quelquefois du mal à se tenir. En octobre 2023, face au député de Renaissance, Belkhir Belhaddad, il demande ironiquement : « Le Hamas va bien ? » À peine lorsque Belhaddad a-t-il répondu, Jacobelli rétorque, venimeux  « Joue pas ta racaille ! ».

Grégoire de Fournas, plus blanc que blanc

Le député de Gironde, élu en juin 2022, a été un cadre du Bloc identitaire avant de s’engager pour le Front national. Héritier d’Unité radicale, une organisation dissoute suite à la tentative d’assassinat de Jacques Chirac par l’un de ses membres, Maxime Brunerie, le 14 juillet 2002. Ce mouvement s’opposait à la société multiculturelle, prônait le rejet du métissage et dénonçait une prétendue « islamisation de l’Europe ». Grégoire de Fournas occupait le poste de premier secrétaire général adjoint au sein de ce groupuscule. Une photo de lui datant de 2010 le montre participant à un happening du Bloc identitaire, accompagné de deux militants déguisés en musulmans portant un voile intégral. Sur une pancarte, il est écrit : « Si vous ne voulez pas finir comme moi, rejoignez les identitaires ! » 

Sacré pedigree. Grégoire de Fournas entretient quelques contradictions. Opposé à toute immigration, il emploie des Roumains et des Portugais, sous-payés, pour entretenir son exploitation viticole en Aquitaine. Défenseur de la chasse et des « traditions de nos ancêtres », il est absolument opposé aux démarches visant à lutter contre les discriminations envers les femmes ou la communauté homosexuelle. Parmi ses faits d’armes notables, on se souvient de sa polémique avec Carlos Bilongo (« qu’il retourne en Afrique »). En 2014, il avait fermement soutenu Anne-Sophie Leclère, militante FN condamnée pour avoir comparé l’ancienne ministre de la Justice, Christiane Taubira, à un singe. Pas certain qu’il aide Marine Le Pen dans sa stratégie de normalisation.

Edwige Diaz, nouvelle vague

Si le nouveau gouvernement est estampillé Nicolas Sarkozy, au RN aussi on a récupéré des déçus de l’ancien président. Électrice en 2007 et adhérente à l’UMP, elle lui tourne le dos dès 2012, déçue par ses résultats, pour se diriger vers Marine Le Pen. Rapidement, après avoir été convaincue de la solidité de sa nouvelle égérie, elle rejoint le FN en 2014. Diaz est l’exemple même d’électeurs de la « droite républicaine » tellement déçus des politiques menées qu’ils ont décidé d’aller militer pour le parti le plus radical. Une situation analogue à gauche entre le PS et les Insoumis.

Edwige Diaz n’est pas connue pour des dérapages verbaux ou un passé louche. Au contraire, Edwige Diaz fait de la politique à l’ancienne. Depuis 2016, elle déploie tous ses talents en Gironde, terre vierge et historiquement hostile au FN/RN, pour se faire connaître et progresser le « marinisme » dans l’Ouest. « Elle laboure, il n’y a pas un bled où elle n’est pas allée » dit-on. Elle fait partie de ces nouveaux députés mis en avant par Marine Le Pen. Elle est l’incarnation d’un RN propre, banalisé et très préparé à prendre le pouvoir. Elle a intégré le bureau exécutif du parti en 2021. Elle interpelle tous les ministres à l’Assemblée, sans hésitation, mais très poliment. Le nouveau RN ? 

Yoann Taieb