RN : vive la sélection naturelle !

par Boris Enet |  publié le 12/05/2024

La prison idéologique de l’extrême-droite l’enserre dans un déni des réalités socio-économiques à l’école. Avec tri à tous les étages.

Marine Le Pen à La Trinité sur Mer pour soutenir Gilles Pennelle aux élections régionales.-Photo Valentino BELLONI / Hans Lucas

Support de déclinaison de son idéologie nationaliste et radicale à toute la société, le RN l’applique à l’école. Ainsi, Gilles Pennelle, chargé de l’éducation dans le parti de Marine Le Pen,  ne veut plus entendre parler « d’éducation prioritaire » et de toute forme de « discrimination positive ». Ces ZEP (Zones d’éducation prioritaires) nées sous la gauche en février 90, corrélées à la politique de la ville sont complétées par des REP (Réseaux d’éducation prioritaires) en 1999 sous le gouvernement Jospin.

Identifiant les établissements cumulant les difficultés, ils concentrent des moyens supplémentaires dans le cadre de Quartiers Prioritaires Politique de la ville (QPV). Présentée comme une forme de « discrimination positive », le RN illustre le piège tendu aux populations précaires de ces territoires à qui il dénie la reconnaissance des difficultés, malgré l’apport des suffrages d’une partie de ses habitants. Mais à quoi bon ces dispositifs puisque l’environnement culturel et social d’un élève n’aurait aucune incidence sur son devenir scolaire, rejetant ainsi plus d’un siècle de recherches en sciences sociale et humaine ? Ce mépris pathologique débouche logiquement sur les seules mesures dont il s’est fait le spécialiste autoproclamé : la sécurité, donc la répression.

Sanctions disciplinaires renforcées, tolérance zéro face aux infractions anti-laïques auxquelles il est fraîchement converti depuis qu’une partie de la gauche lui a laissées, l’affichage est musclé. La vidéoprotection, elle, s’annonce généralisée puisqu’il s’agit de « dégraisser des milliers de postes au ministère et au rectorat » sans qu’aucun chiffrage ne soit précisé à ce stade. Si la problématique du nombre dans ce ministère peut avoir sa légitimité, la vidéosurveillance ne peut remplacer, seule, la présence humaine dans des établissements fragilisés qui en manquent. L’actualité récente le prouve.

En réalité, l’école du RN est une institution s’en prenant aux pauvres et aux faibles qui sont souvent les mêmes. Ils sont agités ? La vidéosurveillance se substituera aux éducateurs pour les punir. Ils sont en échec ? L’orientation précoce les débarrassera de l’école puisque les inégalités sont naturelles et que rien ne saurait les réduire, surtout pas des dispositifs étatiques coûteux. Le tri doit s’opérer à tous les étages : obtention du brevet pour le passage en seconde, rétablissement des filières au lycée général sans s’interroger sur le déséquilibre genré des études scientifiques -encore une chimère – et apprentissage dès la 5e pour les enfants des populations défavorisées.

Tandis que les partisans de Jordan Bardella réclament formellement le renforcement des savoirs disciplinaires, ils exigent dans le même temps l’intégration des 54 heures d’orientation au lycée dans la dotation horaire, ce qui est contradictoire terme à terme. Au fond, les fonctions du programme scolaire du RN renvoient toujours au même triptyque : sélection précoce des élèves, dégagement d’une « élite nationale », et formation de patriotes. Comme un écho lointain à l’allocution radiodiffusée de Philippe Pétain du 9 octobre 1940 sur « les bienfaits de l’ordre humain » en matière éducative, en négation de tous les principes qui ont fondé 1789 et le socle de la République.

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Des « mesures patriotiques à l’école »… que propose réellement le Rassemblement National pour l’enseignement ?

Boris Enet