Royaume-Uni : le fossile du 10 Downing Street
Rishi Sunak, premier ministre britannique, tourne le dos à l’impératif écologique et favorise les énergies fossiles. Un motif de réflexion pour les stratèges de l’écologie
Rishi Sunak, locataire conservateur du 10 Downing Street, a annoncé qu’il distribuerait prochainement « des centaines » de licences d’exploitation nouvelles pour l’extraction de gaz et de pétrole en mer du Nord. Tout en affirmant qu’il tiendrait sa promesse de neutralité carbone en 2050, il a plaidé pour l’indépendance énergétique du Royaume-Uni et la lutte contre la vie chère.
L’opposition travailliste, et surtout les associations écologistes ont dénoncé cette décision avec force. C’est un fait que la relance de l’exploitation des énergies fossiles en mer du Nord annule les efforts de milliers d’entreprises et de millions de britanniques contre le dérèglement climatique, qui a frappé particulièrement le Royaume-Uni cet été.
La nouvelle n’est guère réjouissante, mais elle permet aussi de réfléchir à la stratégie qui doit présider à la lutte pour le climat. Dans ce domaine, le travail des ONG est précieux et les efforts consentis par les citoyens sont indispensables. Mais l’exemple de Sunak montre que l’affaire se joue aussi et, quoi qu’on en pense, principalement, à l’échelon politique. Selon les décisions prises les gouvernements, les émissions de gaz à effet de serre continueront ou non d’augmenter et le combat pour le climat sera perdu ou gagné. Dans cette bataille, le rôle des ONG et des militants écologistes est à la fois bienfaisant et second : c’est le résultat des élections qui exerce l’effet le plus grand sur l’avenir de la planète.
On le voit en Grande-Bretagne : les conservateurs dirigés par Sunak ne cessent de reporter à plus tard les mesures urgentes qui s’imposent ; à l’inverse, les travaillistes ont inscrit dans leur programme la fin de l’exploitation du gaz et du pétrole en mer du Nord. Selon que la droite ou la gauche l’emportera aux prochaines élections, l’action pour le climat sera affaiblie ou renforcée. Pour cette raison, le discours antipolitique qu’on entend souvent dans les milieux écologistes ou parmi les adhérents des ONG est en fait contre-productif. En privant la gauche de soutien, en rejetant dans la même réprobation tous les partis, comme si leurs programmes étaient identiques en cette matière, il favorise des stratégies nuisibles au climat.
D’autant que le procès général fait aux élus – comme dans le film Don’t look up, très prisé des militants verts – est injuste ou, plus exactement, incomplet. Si les partis politiques sont souvent trop prudents en matière écologique (la droite nettement plus que la gauche, néanmoins), c’est aussi parce qu’ils sont à l’écoute de leurs électeurs, qui sont réticents devant les sacrifices demandés.
Le maire de Londres Sadiq Khan, un travailliste très vert, vient d’en faire l’expérience. Un de ses candidats a perdu une élection locale dans l’ouest de Londres en raison des mesures prises dans la capitale contre les véhicules trop polluants. Les conservateurs se sont posés en défenseurs de automobilistes et des classes défavorisées : ils ont gagné. Manifestement, ils espèrent rééditer ce succès à l’échelle nationale en usant de la même rhétorique.
La conclusion est limpide : il ne suffit pas, pour défendre l’environnement, de faire de l’agit-prop ou de donner des conseils de sobriété. Il faut gagner les élections, sur la base d’un programme à la fois audacieux et susceptible de réunir une majorité. Autrement dit, il ne suffit pas d’avoir raison et de le clamer à tous vents. Comme il sied en démocratie, il faut faire de la politique.