Russie : le Niger a choisi son camp
Après avoir renvoyé l’ambassadeur de France et les troupes françaises, la junte militaire au Niger lie étroitement le sort du pays à la Russie et la Chine.
Les deux principales richesses naturelles du Niger, le minerai d’uranium et le pétrole sont au cœur d’une double actualité : d’une part, la rupture entre le groupe français Orano (ex-Areva) et la junte militaire, d’autre part la tension entre le Niger et le Bénin voisin, qui a conduit à la fermeture de la frontière entre les deux pays.
Pour la fourniture de ses centrales nucléaires, Orano exploite depuis les années 1970 la mine d’uranium d’Arlit – désormais en fin de vie -, aux côtés d’autres au Canada et au Kazakhstan. Mais il avait aussi obtenu le permis d’exploitation d’une autre mine encore plus prometteuse, à Imouraren, et des autorisations de prospection dans la région d’Agadez. Après des mois de pression et un ultimatum lancé au groupe français à la mi-juin, la junte a considéré que la mine d’Imouraren n’était pas effectivement exploitée et a donc retiré le permis, malgré les considérables investissements déjà réalisés par Orano.
Que cet incident survienne au moment où l’Iran, introduit dans le pays par les Russes, marque son intérêt pour l’uranium nigérien n’est probablement pas un hasard. Les Russes se souviennent avoir perdu la concession en 2009, au profit d’Orano et au-delà des considérations juridico-économiques formulées par la junte pour justifier sa décision, il apparait clairement que la géopolitique désormais l’emporte : Abdourahamane Tiani, le chef de la junte, règle une nouvelle fois ses comptes avec la France. Le soutien apporté par Emmanuel Macron aux velléités de certains pays de la Cédéao vis-à-vis d’une intervention militaire visant à libérer le président sortant Mohamed Bazoum, l’avait déjà conduit à exiger le retrait des troupes françaises. La Russie, elle-même grande productrice d’uranium, est certainement à la manœuvre derrière cette décision de la junte et tente de favoriser ses alliés, voire de récupérer elle-même la mine d’Imouraren.
Tensions avec le Bénin
Par ailleurs, le différend opposant le Niger et le Bénin s’est aggravé du fait de la condamnation de cinq Nigériens par la justice béninoise, mais aussi pour des raisons plus politiques, la junte accusant le Bénin d’abriter des bases militaires d’entrainement françaises. Depuis le début juin, la frontière est donc fermée entre les deux pays, empêchant les matières premières nigériennes, uranium et pétrole, d’arriver jusqu’au port de Cotonou. L’attentat commis contre le pipe-line reliant le gisement au port n’a fait qu’accentuer les difficultés pour le Niger. Difficultés économiques, mais aussi politiques, cet attentat ayant été commis par un nouveau front d’opposition à la junte, le FPI, qui rassemble, notamment dans le nord du pays, rebelles Toubous et Touaregs. Ce front conteste notamment les conditions d’exploitation de ce pétrole par la société chinoise Wapco.
La conséquence économique de cette situation est lourde, pour Wapco comme pour le Niger qui perd chaque jour des millions de dollars indispensables à un pays déjà asphyxié économiquement. Elle l’est aussi pour le Bénin et son port, Cotonou, dont l’activité est réduite aujourd’hui de plus du tiers, du fait de la fermeture de cette frontière. Entre les deux pays, ce n’est donc pas seulement un conflit local mais, à travers les différentes alliances, un conflit à la signification plus large. D’un côté, le Niger, ayant clairement fait ses choix – Russie pour l’Uranium, Chine pour le pétrole -, de l’autre, le Bénin, encore dans l’orbite française et occidentale, malgré les attaques djihadistes qu’il continue de subir.